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consacré, le discours du Trône ; et je me souviens de l’impression que me fit cette antique formule. « Quand donc, pensai-je, arrivera le jour où l’Empereur, mon auguste maître, ouvrira en personne une Douma nationale vraiment digne de ce nom et s’adressera avec confiance aux vrais élus de la nation, forts de leurs droits, conscients de leurs devoirs et se sentant surtout fils de leur patrie et mandataires autorisés de leur peuple ? » Le Riksdag consentit, avec quelques amendements, les dépenses que lui demanda le gouvernement pour l’augmentation des forces suédoises et leur armement.

Pendant que siégeait ce Riksdag, l’état politique de l’Europe s’assombrissait chaque jour davantage. Ce fut d’abord le milliard de dons gratuits que préleva la Chambre allemande sur toutes les grandes fortunes du pays ; puis ce furent des allées et venues continuelles entre Berlin et Vienne ; les chefs d’Etat-major des deux empires du contre et les chefs de leurs flottes, conférant ensemble ; l’entrevue de Konopischt, où Guillaume II vint mettre la dernière main à l’accaparement de l’Autriche-Hongrie dans la personne de l’héritier du Trône, le belliqueux archiduc François-Ferdinand ; enfin, l’énorme somme versée dans les caisses de la Croix-Rouge allemande. Le langage de la presse austro-allemande devenait de jour en jour plus chauvin, plus intransigeant...

Comment réagissait-on chez nous vis-à-vis de toutes ces démonstrations, de tout ce travail qui, — comme on dit vulgairement, — « crevait les yeux ? » Je n’en ai rien su. Aucun écho ne m’en arrivait de Pétersbourg et de notre ministère des Affaires étrangères. Notre ambassadeur à Berlin, Mr Sverbeieff, partit vers la fin du mois de juin en congé, — comme il le faisait tous les ans à la même époque, — pour présider aux travaux des champs dans ses biens de Toula. L’ambassadeur de Russie à Vienne, Mr Schébéko, devait bientôt le suivre et partit effectivement, — l’avant-veille de l’envoi du célèbre ultimatum à la Serbie, — pour ses biens de Yaroslaw. Il dut revenir sur ses pas à peine arrivé à Saint-Pétersbourg.

D’où venait cette quiétude, d’où cette confiance dans le proche avenir ? Je me le suis souvent demandé et n’ai pu jusqu’à présent formuler une réponse satisfaisante. Les représentants français à Berlin et à Vienne étaient très inquiets ; le Livre jaune est là pour le prouver noir sur blanc. Ils ont dû, —