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que nous n’ayons pas le temps de causer plus à fond, » me dit Rantzau. « Mais vous viendrez pour sûr ces jours-ci à Copenhague. Venez donc me trouver ; nous pourrons causer plus à l’aise et longuement : venez. »

J’allai le surlendemain même à Copenhague, mais je ne me rendis pas chez le Ministre d’Allemagne. Je me dis que rechercher une conversation politique avec le comte Rantzau là même où il avait toujours à sa portée son collègue russe, — le baron de Buxhoeveden, — eût été un procédé peu délicat de ma part vis-à-vis de ce dernier. J’ai tout lieu de croire cependant que les sentiments et les opinions que m’avait énoncés le comte Rantzau, n’était pas factices. Diplomate fort en faveur auprès de sa Cour, il devait, à cette époque, savoir beaucoup de choses qui ne se sont révélées que deux mois plus tard au reste du monde, et je sais de source assez sûre que les appréhensions du diplomate allemand, qui n’avait jamais manqué d’intelligence, étaient absolument sincères.

Un diner plus intime à la section russe vint clore la série des fêtes. Dans le toast que je portai au Roi absent et au couple princier qui présidait la fête, je m’attachai à faire ressortir bien clairement les sentiments absolument bienveillants et sympathiques qui animaient la Russie envers tous les pays scandinaves, — ses voisins baltiques, — et souhaitai le développement d’étroites relations commerciales et industrielles entre ma patrie et la Suède. La presse de Stockholm releva et approuva ce toast et j’eus en général l’impression que les Suédois qui se trouvaient à Malmoë pour l’inauguration de l’exposition, étaient repartis moins effarouchés à l’endroit de la Russie qu’ils ne l’étaient en arrivant.


Vers la fin du mois de mai se réunit à Stockholm le Riksdag « de la défense nationale. » La cérémonie de l’ouverture eut lieu, comme toujours, dans la grande salle du château royal et avec la pompe accoutumée. Le Roi tint à ouvrir lui-même ce Parlement, quoique sa mine, sa démarche et sa voix se ressentissent encore de la cruelle maladie et de l’opération qu’il venait de subir.

Gode Herrar ochsvenske man [1], commença-t-il, selon l’usage

  1. « Bons seigneurs et prud’hommes suédois. »