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dentelles de fabrication villageoise, appréciées à l’étranger, un stand des entreprises pétrolifères de Bakou appartenant à Nobel, un autre des fabricants de caoutchouc de Riga, une section frigorifique et enfin une section d’arts représentée par les peintres russes de la toute nouvelle écolo et où, à côté de quelques excellents portraits, s’étalaient des peintures à faire hurler les chiens ; — telle fut cette exposition russe qui tranchait d’une façon que je considérais comme désastreuse sur les sections suédoise, danoise et allemande, où l’on avait eu soin de rassembler les plus curieux et meilleurs spécimens de l’industrie de ces pays. Néanmoins et par la suite, je ne pus que me louer de l’effort des particuliers qui, malgré l’opposition de nos cercles officiels, parvinrent quand même à réaliser ce simulacre de représentation de la Russie à l’exposition de Malmoë : les Suédois surent quand même gré à la Russie d’y avoir participé. Et si on ne l’avait pas fait, tout le monde en Suède y aurait vu la preuve évidente de l’hostilité russe et de ses « sinistres projets » à l’endroit de la péninsule du Nord !

A la fin du mois d’avril, j’allai à Malmoë pour voir où en étaient la construction et l’aménagement de la section russe. Vers le 15 mai, j’y retournai officiellement pour assister à l’inauguration de l’exposition. Le Roi étant encore malade, ce fut le Prince Royal et son Epouse qui présidèrent aux fêtes de l’ouverture. Prières d’usage, cantate obligée, nombreux et longs discours en excellent suédois (dont à cette époque, je ne comprenais encore mot), grand banquet présidé par le couple princier et auquel je fis la connaissance d’un tas de gens que je ne revis plus jamais, tel fut le bilan de la première journée. Le lendemain, il y eut un grand diner à la section allemande dans la salle des belles porcelaines de Berlin. J’y fis la connaissance du comte Brockdorff-Rantzau, ministre d’Allemagne à Copenhague. Le Comte me marqua un accueil particulièrement empressé. Des banalités courantes, nous passâmes à l’échange de quelques impressions politiques, et le comte Rantzau sembla saisir l’occasion au vol pour exprimer, avec une chaleur et une conviction qui me frappèrent, des idées sur l’absolue nécessité de bonnes relations entre la Russie et l’Allemagne et sur les affreuses conséquences que pourrait avoir pour les deux pays une collision qui surgirait entre eux. J’acquiesçai très sincèrement à cette manière de voir. « C’est bien dommage