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M. Wallenberg comme je le connais actuellement, je puis m’imaginer avec quel sérieux, — je dirai même avec quelle angoisse patriotique, — cet homme intelligent et circonspect accueillit les confidences du Roi touchant les suggestions qui arrivaient de Berlin et qui jetaient Sa Majesté elle-même dans la plus cruelle perplexité. Mais alors je ne connaissais pas du tout M. Knut Wallenberg. Je savais qu’il était très riche, qu’il se trouvait à la tête du groupement financier le plus puissant de la péninsule Scandinave et qui fournissait volontiers des fonds pour les grandes entreprises industrielles en Suède et en Norvège (mines de fer, houille blanche, azotes, etc.) ; que ce groupement était le seul qui eût des relations étroites non seulement avec le marché financier de Berlin, mais aussi et surtout avec celui de Paris ; que M. Wallenberg avait été le vrai fondateur de la « Banque des Pays du Nord. » Mais à cela se bornaient mes renseignements sur celui que j’allais avoir comme partenaire dans les circonstances les plus difficiles et les plus délicates.


Bientôt après notre première entrevue, M. Wallenberg me dit qu’il allait partir pour l’étranger et notamment pour Paris et Berlin. Le but de ce voyage, qui devait durer peu de jours, serait strictement personnel et se rapporterait aux affaires financières du groupement de l’Enskilda-Bank, affaires que M. Wallenberg désirait clore avant de remettre la gestion de la Banque à son frère. Il profiterait néanmoins de son séjour à Paris pour voir aussi le Ministre des Affaires étrangères et quelques personnages politiques qu’il connaissait particulièrement.

Revenu de son voyage, le ministre s’empressa de me raconter qu’ayant vu les personnes précitées à Paris, et ayant aussi visité M. de Jagow et M. Zimmermann à Berlin, — il avait retiré de ses conversations avec les deux partis des impressions rassurantes. Cette insistance à me mettre au courant de la situation politique de l’Europe me surprit un peu, mais je n’en sus pas moins gré à M. Wallenberg de la courtoisie et de la confiance qu’il me témoignait à cette occasion.

Les conversations avec mes nouveaux collègues, surtout avec celui de la Grande-Bretagne, n’étaient pas de nature à