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sévèrement les souverains ! Si vous saviez comme cela est difficile, comme cela est pénible quelquefois de prendre une décision au milieu d’avis et d’opinions contraires qui s’entrechoquent dans le pays ! » ... A quoi le Roi faisait-il allusion ? Sa sincérité, qui perçait à travers beaucoup de réticences, me fit impression ; « cela me changeait » décidément de Ferdinand et de la fausseté qui se sentait sous toutes les effusions et dans toutes les confidences du Roi des Bulgares.

De chez le Roi je fus conduit dans les appartements de la Reine où je me trouvai en présence d’une souveraine qui était en même temps grande dame, correcte et accueillante. Je fus les jours suivants, reçu en audience par les autres membres de la famille royale. Ce fut d’abord le prince royal et son épouse, née duchesse de Connaught. Lui me fit l’effet d’un jeune homme sérieux, plus sérieux que son âge, très simple de manières, très retenu dans son langage Elle charmante et aussi d’une simplicité du meilleur aloi.

Le prince Charles, frère du Roi, jouit de la sympathie et du respect de tous ceux qui l’approchent. Grand, bel homme, avec un air chevaleresque, — il laisse une impression qui ne fait que s’accentuer quand on connaît les admirables qualités de son caractère, sa grande et active bonté, son esprit si droit. Son épouse, née princesse Ingeborg de Danemark, possède tout le charme prenant, — et si réel, — de sa famille d’origine. Jolie, intelligente, excessivement simple de manières, et en même temps « every inch of a princess, » elle me rappela vivement sa tante, l’Impératrice douairière de Russie, qui m’avait chargé de mille choses pour sa nièce. Trois délicieuses jeunes filles, dont l’aînée fit son entrée dans le monde pendant mon séjour à Stockholm, et un beau petit garçon, complétaient la famille.

Le frère cadet du Roi, le prince Eugène (Napoléon), le seul de la famille qui eût beaucoup conservé le type français, vit presque en homme privé, s’adonnant exclusivement à la culture des arts. C’est un peintre paysagiste très sincère et jouissant d’une vogue véritable dans le pays. On peut sans exagération le ranger parmi les très bons peintres de la Suède, tout de suite après Zorn, le célèbre Liliefors et Carl Larson.

Je connaissais déjà le prince Guillaume, l’ex-époux de la grande-duchesse Marie, grand beau garçon qui se confinait presque exclusivement dans son métier de marin et la société de