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C’est elle qui m’a mis en route pour cette campagne de gloire française.


Monsieur le Ministre,

Il n’est pas possible que sous un régime politique qui se réclame de la libre culture et qui inscrit en tête de tous ses programmes le développement de l’enseignement et même parfois la « « religion de la Science, » l’Etat réduise plus longtemps les sciences et la haute culture à des conditions insuffisantes et misérables. Nous avons le droit de dire qu’en laissant ainsi inorganisée la constitution de la science, l’Etat trahit son principe même. Les grands orateurs de la République nous ont mille fois répété comme une vérité essentielle que « la science seule peut améliorer la malheureuse condition de l’homme ici-bas. » Nous avons le droit de le rappeler à la République et de compter qu’elle veut réaliser sa profonde pensée... A moins que...

A moins que nous ne soyons dupes d’une façade et d’une survivance toute verbale. A moins que, derrière des axiomes que continuerait de répéter quasi machinalement l’Etat, nous ne sachions pas distinguer la vérité nouvelle, en train de naître...

Dans sa séance du 29 avril 1919, l’Académie de Médecine a accueilli par des applaudissements prolongés la communication saisissante d’un savant de haute valeur qui osait produire au grand jour ce qu’il tient pour la tendance exacte de notre société et déclarer que « sur les ruines du monde moderne nous allons voir grandir un mouvement... où les questions intellectuelles céderont le pas aux questions sociales. »

« Les hommes de ma génération, disait avec une tristesse tragique ce savant, auront été les témoins, je le crains du moins, de l’apogée de la recherche scientifique. A l’heure où je parle, un déclin a peut-être déjà commencé. Les instigateurs de ces nouvelles formes sociales, qui visent à bâtir la société future... se désintéressent des pures recherches de l’esprit. Ces hautes disciplines dont les applications ne sont pas assez immédiates, leur paraissent trop abstraites, trop éloignées de la vie. Pour ma part, j’ai l’incertain privilège d’être en contact et en discussion presque quotidienne avec les représentants de ces organisations ouvrières. Je les écoute avec curiosité. Ne