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l’accès et le succès des études scientifiques. C’est enfin, en ce qui a trait à l’extension universitaire, la publication de grandes œuvres françaises et l’établissement de relations régulières avec les groupements savants de l’étranger… donnez-nous l’homme de valeur qui mette debout ces idées et leur communique son souffle. Il sera un faiseur de vie et en même temps un symbole. Il signifiera la place éminente faite dans l’État à la science.

L’Allemagne n’a réussi à propager la culture technique qu’en honorant officiellement la science et les savants. Il n’est pas Outre-Rhin de carrière plus considérée et plus enviable que les carrières scientifiques. En France, la fausse culture littéraire des cénacles et du journalisme, les vains bavardages du Palais Bourbon ou du Palais de Justice, indignes des grands écrivains ou orateurs qui joignent à la science de leur profession l’enthousiasme de leur mission, risquent continuellement d’être élevés au premier rang. J’attends d’une direction scientifique de l’enseignement supérieur qu’elle donne une impulsion nouvelle aux recherches de nos maîtres, aux études de la jeunesse et, d’une manière moins directe, par répercussion de proche en proche, aux parties élevées et sérieuses de l’esprit français.

Après le désastre de 1871, les hauts représentants de la pensée française s’émurent de la soudaine apparition d’une Allemagne sans cesse mieux outillée et plus prospère grâce à la propagation des notions et des méthodes scientifiques. Et Berthelot, avec l’autorité de sa jeune gloire, s’écriait : « Notre état intellectuel n’est inférieur à celui d’aucun peuple au point de vue des sommités scientifiques. Mais la France n’en a pas tiré le même profit matériel que ses voisins, parce que nos laboratoires trop petits et trop mal outillés n’ont pu fournir aux fabriques et aux ateliers ces nombreux ingénieurs et chimistes qui font la force des usines allemandes. Nous sommes des généraux sans soldats… C’est notre force productrice qui menace d’être atteinte et bientôt tarie dans ses sources fondamentales. »

Cette inquiétude demeure actuelle et pressante ; elle est justifiée par les nécessités de la guerre et de la paix, de la défense nationale et de notre rayonnement mondial, de notre puissance économique et de notre grandeur morale.