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mission qui dépasse peut-être l’activité la plus zélée et la plus éclairée. Imposez à un tel personnage le soin de suivre les progrès des sciences générales, mathématiques, astronomie, mécanique, physique, chimie, minéralogie, géologie, physiologie, botanique, zoologie, sciences médicales ; chargez-le de s’enquérir des grands résultats obtenus dans les multiples branches de ces sciences ; demandez-lui d’être au courant des applications essentielles de ces disciplines diverses dans le monde entier : vous exigez l’impossible.

Qui est responsable de la détresse de la science, en France, à la veille de la guerre ? Mais il ne peut être désigné de coupable, puisqu’il manquait un chef à la tête de la grande équipe des savants et des chercheurs. C’est ce chef qu’il faut, avant tout, réclamer et obtenir. Pourquoi clamer dans le désert ? A quoi bon établir un plan de réformes, s’il n’est personne pour le recueillir, pour s’en inspirer, pour en faire aboutir l’essentiel ?

On demande un homme de cœur et d’action, pourvu de toute l’autorité nécessaire, qui se consacre à la mise au point de ces hautes visées et de ces menues critiques, et à leur transformation en réalités vivantes. Il est indispensable qu’il y ait auprès du ministre de l’Instruction publique deux directeurs de l’enseignement supérieur, l’un chargé du département littéraire et l’autre du département scientifique. Celui-ci prendra en main le sort de la science française. Tel est le vœu unanime des savants que j’ai consultés. Ils voient dans cette mesure la condition même de la renaissance des études scientifiques en France.

S’imagine-ton l’extraordinaire étendue du champ exploré maintenant par les maîtres de nos laboratoires ? Naguère, les phénomènes de l’électricité étaient aisément connus d’un seul technicien. Ils ont été découverts en tel nombre depuis lors, et dans des directions si différentes, qu’aucun savant ne les possède plus dans leur intégralité. La chimie, science de la matière et de ses transformations, est d’une complexité infinie. Un exposé sommaire de la chimie organique, tel qu’un grand maître français projette de le composer, exige une dizaine de volumes et une douzaine de milliers de pages. Songez au nombre des industries qui en dérivent : industries de la fermentation, du goudron de houille, du pétrole, du caoutchouc,