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recherche attendent encore leur complète organisation. Or, ne l’oublions pas, la clef de voûte de tout le nouveau système universitaire doit être cet institut de recherche qui n’est encore qu’à l’état d’ébauche. Ce serait un dessein inintelligent et voué à l’échec que de délaisser la recherche libre et désintéressée, pour ne doter d’un nombreux personnel et d’abondants moyens pécuniaires que les laboratoires de science appliquée. Ce serait s’exposer à ce que la source même des progrès de la technique tarît. La science pure et intégrale doit être soutenue largement et développée par tous les concours de l’Etat, parce que c’est d’elle que découlent, pour une bonne part, les noblesses de l’esprit humain et que sont déduites toutes les applications pratiques. Les médiocres réalistes qui assigneraient aux sciences un but exclusif et en quelque sorte mercantile, méconnaîtraient à la fois les intérêts et le génie de la France.


CONCLUSION : NÉCESSITÉ D’UNE DIRECTION SCIENTIFIQUE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR POUR RÉALISER LES VŒUX UNANIMES DES MAÎTRES

Le dénuement de l’Université et de la France, tel que je viens de le décrire, n’est pas contestable, et notre tableau ne sera pas déclaré irréel. Nul ne niera qu’en 1914 nous étions dépassés par l’organisation scientifique allemande et que c’est dans la connaissance de cette supériorité que l’Empire, qui ne prévoyait pas les concours que nous reçûmes du dehors, puisa la conviction qu’il nous écraserait. Notre faute fut grossière. Il faut la réparer sans retard. Il faut adopter d’urgence les réformes que nous venons d’exposer. Qu’y peut-on trouver de téméraire ? Je ne fais rien que mettre en ordre, pour vous les soumettre, Monsieur le Ministre, et pour les soumettre à la Chambre, les vœux de l’ensemble des savants.

Mais je vois clairement qu’il ne suffit pas que des propositions soient claires et raisonnables ; il ne suffit même pas qu’elles fassent l’objet d’un discours parlementaire et qu’elles reçoivent l’approbation de la Chambre. Hier encore, tout le monde m’approuvait quand je demandais que nous ayons une politique rhénane et qu’immédiatement, pour associer les pays rhénans à la France par le commerce, nous instituions des commissions mixtes, composées de Rhénans et de Français. On m’approuvait. Qu’en est-il sorti ? Rien du tout. C’est l’histoire de chaque jour.