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Elle ne le put que grâce aux cadres que lui avaient assurés nos universités provinciales ?

Malgré leur haute valeur et leur autorité scientifiques, l’Ecole polytechnique et l’Ecole centrale, qui forment tant d’officiers et de fonctionnaires excellents, ne peuvent suffire à pourvoir la France de tous les ingénieurs qu’il lui faut. Leur enseignement établi sur la prépondérance des mathématiques, n’est d’ailleurs pas conçu pour préparer aux industries fondées sur les sciences naturelles, chimie minérale, chimie organique, physique, etc.. Aussi, malgré le faible développement de ces industries dans notre pays, étions-nous envahis naguère par une nuée d’ingénieurs, trop souvent des Allemands. Les maîtres de nos universités de province, émus d’un état de choses si fâcheux à tant d’égards, cherchèrent à réagir. Des hommes de haute valeur déployèrent une superbe énergie contre l’inertie coutumière. A Nancy, dès 1878-1879, M. Haller conçut le projet d’un Institut voué aux recherches, ainsi qu’à la préparation de chercheurs et d’ingénieurs, dans l’ordre de la chimie appliquée. Il lui fallut dix ans d’efforts inlassables pour convaincre les pouvoirs publics et les groupements privés. En 1890, l’Institut fut ouvert, sous l’égide de la Faculté des Sciences ; quelques années après, il comptait cent quarante élèves, un budget de 350 000 francs ; il délivrait des diplômes appréciés d’ingénieurs-chimistes, et il acquérait une réputation universelle !

M. Haller avait obtenu, non sans peine, que, selon la règle admise en Allemagne, les étudiants dussent payer une redevance (600 francs) pour bénéficier de cet enseignement spécialisé et user des laboratoires, appareils, produits mis à leur disposition. Tout en acceptant des élèves boursiers, l’Institut s’assurait ainsi le moyen de rétribuer le concours de professeurs étrangers à l’Université et surtout d’entretenir un outillage perfectionné.

Tel fut le succès de cette forme nouvelle de travail et d’enseignement scientifiques qu’elle fut aussitôt adoptée par les Facultés des Sciences en d’autres régions. L’université de Lyon fonda un Institut de chimie (1899), auquel fut rattachée l’Ecole de chimie industrielle créée dès 1883 par ce précurseur, Jules Raulin. Disons-le en passant, le doyen de la Faculté de Lyon avait refusé d’accueillir parmi les étudiants les élèves de cette