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Je ne m’étendrai pas sur ce défaut d’organisation matérielle à la Sorbonne parce que je serais amené à répéter ce que, dans l’Écho de Paris, j’ai dit du Collège de France et du Muséum, et parce que les besoins des laboratoires de l’Université ont été exposés de la manière la plus remarquable devant le Sénat, le 10 avril 1919, par M. le docteur Goy. Mais j’ajoute que, dans nos Universités de province, l’organisation du travail n’est pas mieux entendue qu’à la Sorbonne. Elles aussi manquent de chaires, de laboratoires, de personnel auxiliaire et de crédits. Elles ne sont ni conçues ni outillées en vue de la recherche. Leurs bibliothèques ont des dotations ridicules. Telle chaire de chimie biologique, dans l’une de nos premières Facultés de médecine régionales, dispose pour achat d’appareils, de produits, etc., de 300 francs par an ! Imaginez toutes choses à l’avenant. Et puis, malgré la réforme de Liard en 1896, nos Universités demeurent, de toutes les Universités du monde, les moins libres. Elles sont chargées de donner aux étudiants issus des établissements secondaires un enseignement uniforme d’Etat. Elles font toutes obligatoirement des cours analogues sur l’ensemble de chacune des principales sciences, et ce sont des cours généraux et sommaires. Elles ne comptent presque pas de leçons d’un caractère approfondi sur les branches nouvelles de ces sciences. En dépit de l’opinion commune, un enseignement scientifique vraiment élevé est exceptionnel dans nos Universités.

De cet ensemble de conditions, de ce programme rigide, de ces mœurs administratives et de cette pauvreté de moyens, il résulte que ces Universités accomplissent pour la plupart peu de travaux et de découvertes. Il faudrait une ténacité singulière aux savants de province pour faire œuvre personnelle. Certains y réussissent et obtiennent jusqu’à l’étranger les hommages les plus flatteurs, tel le prix Nobel. Mais combien se rebutent !

Mal résignées à cette vie médiocre, nos Universités réclament énergiquement des mesures propres à favoriser en elles l’originalité. Elles demandent à n’être plus régies par ces représentants de l’État que sont les recteurs, mais à voir à leur tête, comme leurs émules étrangères, un président ou un chancelier élu. Ce magistrat universitaire, secondé par le Conseil de ses collègues, saurait distinguer les possibilités de développement de son Université et en poursuivre méthodiquement la