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courrait pas cette industrie ou cette armée ! Or telle est la loi dans l’enseignement supérieur. Sans doute il comprend des hommes de haut mérite, mais ce sont des hommes, et en raison de la difficulté, de la lenteur, de l’uniformité des carrières, la passion du mieux s’amortit chez eux et s’éteint. Ils en viennent à se tenir pour satisfaits du grand effort et des succès qui, de vingt à trente ans, ont illustré leur laborieuse jeunesse. Ils sont entrés à l’École Normale, ils ont réussi au concours de l’agrégation, ils ont conquis le titre apprécié de docteur ès sciences ; désormais ils se borneront à dispenser honnêtement l’enseignement dont ils ont la charge, et ils demanderont à des travaux d’ordre privé, analyses, expertises, un complément de rémunération. (Jusqu’ici un professeur d’université de province d’une soixantaine d’années, devenu un spécialiste réputé, « recevait un traitement effectif de 7 600 francs. »)

J’ai entendu des savants illustres déplorer avec une vraie anxiété ce mal d’indifférence qui sévit dans maintes chaires d’Université, et en donner comme cause profonde l’absence de tout système d’émulation et de stimulation. Tout semble ménagé pour faire de nos professeurs de Facultés des fonctionnaires distingués, estimés, peu rétribués et déshabitués de l’effort scientifique, bref des mandarins. Aucune mesure ne permet de récompenser le zèle des chercheurs. Les professeurs de Facultés sont inamovibles de fait ; et leur traitement s’élève à l’ancienneté. « Les choses sont si bizarrement agencées chez nous, constate M. Edmond Perrier, que les professeurs des plus petites Universités de province n’ont aucun intérêt à briguer les chaires du Collège de France et du Muséum, qui ont été créées pour les plus grands esprits. » Renan se plaignait de ces « habitudes de paresse et de négation malveillante dont les corps enseignants ont tant de peine à se préserver ; » surtout, ajouterai-je, quand rien n’est fait pour les pénétrer du goût de la recherche !

Les universitaires sont les premiers à dénoncer le mal et à réclamer une réforme. Eux aussi « reprochent au système actuel de produire des carrières trop uniformes, n’offrant pas un stimulant à l’effort. » (Bulletin de l’Association amicale du personnel enseignant des Facultés des sciences, fascicule 21, 1919).Et ils proposent un ensemble de mesures, qui semblent judicieuses. Ils voudraient que l’Etat consultât les spécialistes