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un denier affecté au progrès des sciences physiques, que ce n’est que grâce à une fiction, à une tolérance administrative, que les savants envisagés comme professeurs, peuvent prélever sur le Trésor public quelques-unes des dépenses de leurs travaux personnels, au détriment des allocations destinées aux frais de leur enseignement ? »

Les professeurs sont dans un dénuement moindre qu’au temps de l’illustre biologiste. Mais l’âge moyen auquel ils sont nommés est tout proche de la cinquantaine. Jusqu’à cette promotion tardive, les maîtres de conférences restent strictement privés de tout moyen de recherches. Songez à Pierre Curie et à son rêve jamais satisfait d’un laboratoire en Sorbonne ! Lisez ces lignes d’un jeune savant de l’Université de Paris, connu déjà par ses découvertes : « A quelques exceptions près, seuls les professeurs sont dotés d’un laboratoire et de crédits de laboratoire. Il en résulte que, de 30 ans à 45 ou même à 50 ans, les chercheurs ne disposent dans l’enseignement supérieur d’aucune allocation et ne peuvent effectuer leurs recherches qu’en demandant l’hospitalité dans un laboratoire de professeur, ce qui est souvent impossible. Les maîtres de conférences ou les agrégés demeurent dans la même situation que lorsqu’ils étaient élèves préparant leur doctorat. On peut avancer hardiment que si des moyens de travail étaient accordés aux chercheurs à la période la plus féconde de leur vie, c’est-à-dire de 30 à 50 ans, la production scientifique de notre pays serait doublée. »

Ai-je le droit de traiter de scandale un tel état de choses ? Vainement on m’objectera qu’il existe une caisse des recherches scientifiques. Cette caisse ne distribue que des subsides parcimonieux, en petit nombre, pour une année, et en vue d’un travail déterminé, et cela aux professeurs (insuffisamment dotés par l’Etat) comme aux autres chercheurs. Vainement d’autres contradicteurs me diront : Voulez-vous donc dresser écoles contre écoles, et faire de la poussière de laboratoires ? — Je réponds : La France ne peut tolérer qu’après une sélection rigoureuse et une formation laborieuse, des jeunes énergies intellectuelles soit mises en inactivité, en réserve... pour être utilisées vingt ans plus tard !

Construisez, si telle est votre préférence, des ateliers scientifiques assez vastes, où, sous le patronage des professeurs, des