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par des compagnies industrielles toujours disposées à s’intéresser aux recherches. Réussissent-ils à se faire connaître par des travaux, quelque conseil d’université les nomme professeurs.

« Chez nous, le ministre de l’Instruction publique envoie un agrégé, un maître de conférences dans une université qu’il ne consulte pas. Celui qu’il nomme est au-dessus de toute discussion, puisqu’il a triomphé dans les plus redoutables examens et concours. Outre-Rhin, ce sont les universités qui pourvoient elles-mêmes aux vacances de tous ordres. L’assemblée des professeurs peut même s’adjoindre un praticien étranger aux milieux universitaires. La garantie de son choix, c’est l’intérêt qu’elle a tout naturellement à soutenir le prestige de l’Université, à y attirer un grand nombre d’étudiants, et à grossir ainsi les bénéfices de tout le corps professoral.)

Dans ce système allemand, la recherche, ses exigences et ses résultats sont mis toujours au premier plan. En France, c’est le souci de l’enseignement oral qui l’emporte. Imaginez le recrutement des lettres françaises limité aux élèves admis au concours de l’Ecole normale : vous aurez une impression à peine grossie, de ce qu’est actuellement, avec cette porte étroite du concours, le recrutement de la science française.

Comment modifier ce fâcheux état de choses ? Comment empêcher que des vocations scientifiques soient lassées par des épreuves excessives, ou même dégoûtées et rejetées ? Je demande qu’on en délibère. Je n’entends que stimuler l’opinion éclairée et lui soumettre un problème essentiel. Faut-il modifier la charte de notre corps enseignant et admettre que des chercheurs accèdent à l’enseignement supérieur, à ses chaires et à ses laboratoires, sans suivre la voie exténuante des examens et des concours ? C’est ainsi que certaines personnalités militaires sont promues aux grades les plus élevés sans passer par l’École de guerre. Je ne sais pas si nos maîtres, justement jaloux de leur prestige, accepteraient une réforme aussi radicale. La plupart d’entre eux souhaitent que nos universités puissent prendre plus de part à la nomination des maîtres de conférences et des professeurs titulaires. Ils croient que, désireuses d’accroître leur influence, elles éliraient de préférence des hommes d’une valeur personnelle, entraînés aux recherches, connus déjà par leurs travaux et qu’ainsi les chercheurs