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qu’il impose et que couronne la soutenance d’une thèse, est d’un accès extrêmement difficile. On peut dire que l’enseignement supérieur en France se recrute presque exclusivement par le concours ou ses équivalents. Nous n’aurons pas l’injustice de méconnaître la qualité de ce mode de sélection. C’est probablement le meilleur, s’il s’agit de désigner des sujets remarquables par la mémoire et le talent d’exposition. Nous lui devons d’admirables professeurs. Que vaut-il pour faire surgir le personnel le plus propre aux investigations scientifiques ? Il ne tient pas compte des aptitudes nécessaires à des chercheurs, à des inventeurs. Il rebute nombre d’entre eux en leur imposant des épreuves difficiles qui ne sont pas leur affaire.

Alfred Giard s’élevait contre des épreuves qui firent échouer à l’agrégation un Claude Bernard, dont ses contemporains ont pu dire : « Bernard n’est pas un physiologiste, c’est la physiologie même. » Ramsay, le célèbre chimiste anglais, critiquait vivement ce mode de recrutement et d’avancement. Et M. Armand Gautier, lors d’enquêtes demeurées célèbres, a préconisé, en remplacement du concours, le « système d’appel, » en usage dans les universités allemandes.

Chez les Allemands, pour que la recherche soit ouverte à tous les esprits qui en ont le goût et l’aptitude, l’accès de l’enseignement est très large. Les jeunes gens qui veulent étudier les sciences s’inscrivent au sortir du gymnase, à dix-sept ans, dans une université. Ils suivent les cours qui les intéressent et prennent place dans un laboratoire (en payant partout un droit d’entrée). Après quelques années de préparation, à vingt-et-un ans, ils passent le doctorat, examen facile, qui ne comporte ni l’universalité ni le développement des connaissances qu’en France nous exigeons. Dès lors, les voilà libres : plus d’examens et pas de concours ! S’ils ont hâte de gagner leur vie, ils entrent dans l’industrie ; sinon ils restent attachés à une université. Un grand nombre d’entre eux appartiennent à des familles riches, la carrière scientifique étant fort honorée outre-Rhin. Ils se spécialisent, se font agréer comme privat-docent et sont rétribués par leurs auditeurs. A vingt-six ou vingt-huit ans ils ont des honoraires, un laboratoire et de grands moyens de travail, car le matériel et les produits sont mis gratuitement à leur disposition par les universités, ou