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l’Université produisît moins d’avocats, de journalistes et d’apprentis politiciens, moins d’esprits satisfaits d’une maigre substance, soi-disant littéraire, et beaucoup plus de jeunes cerveaux munis de cet outil non pareil qu’est la méthode des recherches et des applications scientifiques.

Dans un discours mûrement délibéré (du 11 avril 1919), M. Lafferre, ministre de l’Instruction publique, déclarait au Sénat : « La véritable crise de l’enseignement supérieur, s’il y en a une, est tout entière dans l’insuffisance de nos installations et de notre outillage. C’est donc, en définitive, une question de crédits, une question de matériel qui se pose devant nous. » A quoi M. Henry Le Chatelier, le grand chimiste, répondait dans le Temps du 22 juillet 1919) : « « Ce qui nous manque, ce n’est pas tant l’argent que les hommes capables de l’employer. Tout notre effort doit être concentré vers la production de ces hommes... Pour remettre en honneur !a recherche scientifique, il faut commencer par élever le niveau de l’enseignement primaire, délivrer l’enseignement secondaire de la tyrannie des programmes d’examens et supprimer l’anarchie dans l’enseignement supérieur. » La plupart de nos savants partagent cette opinion. Ils disent avec le Dr E. Roux que « la désertion des laboratoires est un péril pour notre pays. » (Temps, 25 juillet 1919). Ils appréhendent que le réalisme grossier dont l’expansion parait inévitable après toute grande époque de contrainte et d’épreuves, d’élans et de sacrifices, ne détourne encore les esprits de la recherche scientifique. De là une campagne conduite par un groupe d’hommes éclairés pour déterminer dans notre pays un mouvement d’opinion en faveur des sciences, pour obtenir notamment des classes dirigeantes et opulentes la création de bourses au profit des jeunes travailleurs scientifiques, la dotation des Instituts créés ou projetés, une aide morale et pécuniaire à la recherche. De là également des regards de détresse et d’espoir jetés par quelques maîtres vers « les forces prolétariennes, » des invitations à « aller droit aux organisations populaires et à leur expliquer franchement et complètement ce qu’on croit être le vrai et le juste, ce que l’on attend du peuple, ce que l’on veut faire avec lui et pour lui, » de là ces préparatifs de « lutte pour le maintien d’une vie scientifique dans notre pays ! » (Professeur E. Gley, Temps, 27 juillet 1919.)