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inspiré, ne pensez-vous pas qu’il fournirait à la science un recrutement magnifique d’auxiliaires et de maîtres ?

L’Enseignement secondaire ne comprend qu’une centaine de milliers d’élèves. Le grief essentiel qui lui est fait, c’est (en raison du quadruple fractionnement des études établi par la réforme de 1902) de former des esprits incomplets : les uns tournés exclusivement vers l’antiquité gréco-latine ; les autres, au contraire, tenus dans l’ignorance de ces grandes étapes de l’esprit humain ; d’autres, instruits simplement des langues étrangères ou des sciences mathématiques. De l’aveu général, l’Université n’a pas encore réussi à édifier une forte culture, fondée sur l’étude des classiques et ouverte aux influences des grands mouvements d’idées, et des chefs-d’œuvre étrangers, comme aux suggestions saisissantes de la science contemporaine. L’Enseignement secondaire ne donne pas des esprits formés, habiles au travail, épris de la grandeur des disciplines littéraires et scientifiques du siècle. Il n’assure plus que des initiations partielles, insuffisantes. Nos savants se plaignent que les élèves des lycées préparés aux sciences n’aient que de faibles traces des qualités de logique, de composition et d’exposition, tenues jusqu’ici pour inhérentes à l’esprit français, et qu’ils n’aient, non plus, presque rien de cette curiosité et de cette flamme, sans quoi les méthodes d’observation et d’expérimentation apprises par la suite ne sauraient permettre d’explorer efficacement le mystérieux domaine du monde physique.

Il faudrait que l’on revint sur ce fâcheux démembrement des études imposé par les programmes de 1902 et que nos lycéens reçussent la formation d’esprit et l’entraînement à l’effort intellectuel, sans quoi il n’existe pas d’homme cultivé, en même temps que la notion du merveilleux « devenir » des sciences de la nature. Mais les savants formulent contre nos collèges un second grief, et, si nous prêtons attention à nos souvenirs, aussi bien qu’aux propos de nos enfants, nous reconnaîtrons qu’il n’est pas sans fondement. Ils disent qu’en vertu d’un préjugé ancien et vivace, dans nos établissements secondaires, les sciences sont tenues pour inférieures, et les lettres comme seules dignes d’occuper les esprits distingués. Au point que les meilleurs élèves seraient d’autorité détournés des sciences vers les lettres... Il y a du vrai dans cette appréciation, et c’est malheureux, car l’intérêt national voudrait que