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de faire des affaires. Ce n’est pas le goût de tout le monde. Je les engagerais plutôt à travailler pour s’assurer la supériorité du savoir. Que la science leur redonne des titres de noblesse. Beaucoup d’anciennes familles ont maintenu dans leur conception de la vie la prédominance de l’esprit militaire sur les considérations commerciales. Hors de Saint-Cyr, dans les cinquante dernières années, elles ne voyaient pas grand’chose. Elles s’accommoderaient difficilement de n’avoir pas d’autre mobile que l’intérêt. Pourquoi leurs fils ne chercheraient-ils pas à s’arroger la maîtrise de la raison, à créer la science et à diriger l’esprit humain ?. Ils peuvent former une tête de société et monter légitimement au faîte de l’édifice s’ils emploient leurs ressources à s’assurer la grande culture de l’esprit. Et puis, ne seraient-ils pas heureux d’avoir foi en quelque chose d’immatériel ? Tenir un rang, même modeste, dans les équipes de la science, c’est quelque chose d’équivalent au service du prêtre et du soldat dans les ordres et dans l’armée.

Je suis persuadé que les salons, pleins de distinction mais où la spiritualité se renouvelle mal, sont prêts dès maintenant à reconnaître la valeur d’une forte et saine éducation rationnelle. Je crois que, dans un moment où chacun convient qu’il est déplaisant (et presque impossible) de vivre en oisif, il y a moyen de diriger les classes riches et aristocratiques vers les hautes études. Enfin je suis certain que d’une manière plus systématique qu’on n’a fait jusqu’alors, on pourrait éveiller dans les bonnes petites têtes d’enfants des vocations de travailleurs scientifiques.

Je n’entends pas m’engager ici dans la critique de notre enseignement public, secondaire et primaire, mais je transcris brièvement les vœux que m’expriment des voix autorisées.

Noire enseignement primaire est trop abstrait. Il n’oriente pas les enfants des campagnes vers les carrières agricoles, ni les enfants des villes vers les carrières commerciales et industrielles ; il leur donne mal le sentiment de la supériorité que leur assurerait la connaissance rationnelle de leurs métiers. Les conduit-il, par une pente naturelle, vers les enseignements techniques ? Et les intelligences d’élite, les achemine-t-il aux études plus lentes, plus laborieuses et plus complexes, qui donnent accès au travail scientifique ? L’enseignement primaire compte plusieurs millions d’élèves. S’il était mieux