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méthodes. J’ai procédé dans un esprit analogue. J’ai recueilli de toutes parts les avis des meilleurs. Voici un chapitre de mon enquête, le fruit de quelques-unes des consultations que j’ai sollicitées de nos maitres. Que fait l’Etat, leur demandai-je, pour l’organisation des recherches scientifiques ? — Et tous de lever les bras au ciel, pour le prendre à témoin de leur dénuement et, je crois, le bénir que la question fût posée.

C’est que la situation faite à nos meilleures têtes scientifiques est un scandale intolérable. Un professeur de l’Université de Cambridge, peu avant la guerre, se faisait montrer les principales installations scientifiques de Paris, les laboratoires du Collège de France, du Muséum et de la Sorbonne, les caves, les greniers, les cuisines, les hangars historiques où Claude Bernard, Pasteur, Berthelot et Curie accomplirent leurs admirables travaux. Quand il eut vu, il s’écria : « Toutes les grandes découvertes qui, depuis deux siècles, ont bouleversé le monde, transformé les conditions de la vie et métamorphosé l’état des connaissances humaines, ont donc été réalisées chez vous par miracle... » Il avait vu notre pénurie matérielle, qui va parfois jusqu’à la misère, mais s’il avait étudié les conditions que nous faisons au personnel scientifique ! Ah ! c’est alors qu’il se fût émerveillé ! Vraiment, c’est un prodige de la force des vocations françaises, un miracle de notre génie que nous puissions trouver des savants avec la vie précaire que nous leur faisons. Nous ne songeons pas plus à faciliter l’essor des talents, l’essor même de ces esprits dans lesquels il y a de la divinité que la nature à déterminer l’emploi de ces forces terrestres illimitées, l’eau, le vent, les marées. Chez elle et chez nous même indifférence au rendement, même gaspillage des puissances. Nous nous fions aux dons spontanés de notre race et à la bonne fortune.

J’ai déjà signalé « dans une suite d’essais à l’Echo de Paris) ce double défaut d’organisation, ce manque de personnel et de matériel qui entrave l’activité de nos deux plus grands instituts, le Collège de France et le Muséum, voués cependant par définition à la recherche scientifique. J’ai décrit la misère de ces laboratoires du Collège de France que les maîtres n’osent pas montrer aux savants étrangers, et la honteuse exiguïté des installations du Muséum qui empêchent Edmond Perrier et ses collègues d’accepter ou d’exposer des collections de grand prix offertes à l’État par de généreux donateurs. J’ai montré un