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France a résisté d’abord au matériel supérieur de l’Allemagne. Quelle formation ce cœur avait reçue aux foyers de la famille, dans nos petites églises de village, dans nos écoles ! Comme la tradition chrétienne et la tradition classique se sont révélées fécondes ! En tenant bon, le cœur donna au cerveau le temps d’inventer des moyens de vaincre. Nous avons un devoir de gratitude à remplir vis-à-vis des savants français. Quelqu’un devra établir ce que les maîtres de nos laboratoires surent improviser au début pour notre défensive et puis réaliser pour l’offensive de libération. Je suis incapable de tracer même une esquisse de ce pathétique tableau, mais je le réclame, car je pressens la leçon qui s’en dégagera. Quand nous mesurons les services qui nous furent rendus au cours de cette guerre par la haute culture morale et intellectuelle, par la tradition religieuse et par la recherche scientifique, nous les considérons l’une et l’autre comme le bien le plus précieux de la nation et nous comprenons que leur développement est lié au salut et à la grandeur de la France. Celui qui écrit ces lignes a dit un jour à la tribune de la Chambre qu’il défendait « l’église de village au même titre que le Collège de France. » Et il ajoutait : « Où la civilisation est-elle défendue aujourd’hui ? Dans les conseils d’administration ? Je ne suis pas de ceux qui le croient. Elle est défendue dans les laboratoires et dans les églises. » Le moment est venu de proclamer les titres, les droits et les besoins des laboratoires de France, et de réclamer au nom de leur gloire en faveur de leur misère.

La France fait l’inventaire des richesses qu’elle a pu sauver de la catastrophe. C’est une question essentielle de savoir dans quelle mesure l’intelligence française a souffert et comment ses dommages pourraient être réparés avec le plus de bénéfice possible. C’est une connaissance préalable à beaucoup de réformes que nous projetons. Je sais. Monsieur le Ministre, combien cette recherche vous tient à cœur, et j’ai l’honneur de vous faire connaître mon intention de porter ces grands intérêts à la tribune.

On pense bien que je ne prends pas cette initiative sans m’être entouré d’une documentation abondante. De tous côtés se fondent des ligues pour la reprise du travail et des syndicats pour la défense des diverses corporations. On dresse le bilan de nos industries et de notre commerce. Ce sont de bonnes