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ces ouvrages, et chaque auteur y songe surtout à soi. Mais il en ressort quelques vérités générales. La politique de l’Empire qui avait un grand apparat et de solides parties a été en réalité dirigée par des hommes dont la médiocrité est aujourd’hui manifeste, et il ne faut pas en excepter l’Empereur. Elle a été surtout constamment appuyée par une procédure de mensonge, qui est d’autant plus révoltante qu’elle est plus continue. Les documents livrés à la publicité par Kautsky, qui les a eus en mains en raison de ses fonctions et qui avait été chargé par le nouveau gouvernement de les examiner, mettent à nu toute la manœuvre allemande de 1914 pour provoquer la guerre, d’abord et pour paraître ensuite la subir. Au lendemain de tant de démonstrations, il n’y a pas en Allemagne un mouvement de pudeur ni d’indignation, il n’y a pas de hâte pour liquider la néfaste entreprise germanique, qui a fini par l’écroulement des dynasties, de l’ancien système prussien et la défaite de la patrie. La vérité est que la Commission d’enquête sur les responsabilités a même de la peine à poursuivre son œuvre. Elle a pour elle les socialistes et les partis libéraux, mais elle a contre elle les anciens dirigeants et les militaires qui tentent de la faire disparaître à la faveur d’incidents tumultueux. La Gazette de Voss, qui fait quelque effort pour garder son impartialité au milieu de tant d’événements et pour voir les faits tels qu’ils sont, écrit à ce sujet ces mots très justes : « Un coup heureux porté à cette institution de la démocratie ébranlerait tout le régime actuel : la Commission d’enquête parlementaire symbolise le droit qu’a le peuple souverain de demander des éclaircissements sur la façon dont ses chefs responsables l’ont conduit. »

En attendant le jour, peut-être lointain, où l’Allemagne sera différente, et où le désir d’entrer dans la Société des Nations civilisées sera assez fort pour y modifier les mœurs, de quels moyens de persuasion disposeront les Alliés ? Ils ont discuté jusqu’à présent sous le régime de l’armistice ; ils discuteront désormais sous le régime de la paix. Ils avaient d’abord songé à prolonger le délai où il leur serait permis de prendre des mesures de coercition et ils y ont renoncé. Sur la remarque faite par l’Allemagne qu’un état de paix qui pourrait sans cesse être rompu par l’emploi de ces mesures ne serait pas une paix véritable, ils se sont privés de ce recours à la force. Après la mise en vigueur du Traité de Versailles, les Alliés n’ont d’autres moyens pour convaincre l’Allemagne que ceux qui résultent du traité ou des règles communes du droit des gens. Si l’Allemagne se refusait à tenir ses engagements, il n’y aurait théoriquement qu’à recom-