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ce groupement d’écoles en Université que réalisera seulement, cent ans après, la Troisième République, — la chronique des Facultés où l’on vit, au XIXe siècle, professer tant de grands maîtres, et, dans les dernières années, Paul Janet, Pasteur et Fustel de Coulanges. Le Président a célébré, avec faits à l’appui, la fidélité des étudiants alsaciens se révoltant contre les assertions provocatrices des professeurs allemands et, tous les ans, « renouvelant la protestation muette de l’Alsace opprimée en défilant, chapeau bas, devant la statue de Kléber ; » il a montré que l’Université allemande de Strasbourg avait été moins un temple de science qu’une forteresse du pangermanisme, une machine à broyer les âmes ; celle dont nous saluions aujourd’hui la renaissance serait, tout au contraire, » à la frontière de l’Est, le phare intellectuel de la France, dressé sur la rive où vient expirer le flot germanique comme autrefois cette enceinte celtique qui couronnait la montagne de Sainte-Odile et dont les gardiens surveillaient à l’horizon les mouvements du monde barbare. »

Notre Président n’est jamais plus à l’aise qu’en ces Marches de l’Est. Il en a manifestement l’esprit, le cœur et je dirai la moelle. On le sent ici dans l’atmosphère où sa race s’est formée. Il en exprime le sentiment avec une sorte d’âpreté aujourd’hui traversée d’allégresse : le début de son discours a saisi les auditeurs comme le cri de joie presque sauvage des Marches définitivement délivrées à Versailles. Cette joie immense que j’ai vue se peindre sur ses traits, lorsqu’en décembre 1918 il entrait dans Metz, dans Strasbourg, dans Colmar, dans Mulhouse, a derechef reparu sur sa physionomie à l’ordinaire plus fermée. Et parce que ces populations de l’Est reconnaissent en lui leur homme, ce grand Lorrain est ici le porte-parole le plus populaire de la France libératrice devant la France libérée.


Il fallait que la cérémonie universitaire se terminât par une fête de la rue. Tout Strasbourg s’était massé en foule compacte devant l’Université, sur la place de la République et dans toutes les avenues. La fête que Strasbourg aime et aimera toujours par-dessus toutes les autres, le régal favori, le banquet où il se rue, c’est le défilé des troupes libératrices.

Sous le ciel pâle, — moins brillant que celui qui, le 22 novembre