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de Strasbourg, la revanche du Droit : Louvain et Belgrade, Lausanne et Liège, Jassy et Gand, Prague et Oxford, Cambridge et Athènes, Gand et Glasgow, Edimbourg et Rome, Coïmbre et Christiania, Madrid et Groningue : des neutres d’hier, des alliés, des amis, nations préservées, nations sauvées, nations délivrées, nations ressuscitées, Bruxelles s’affirmant « sœur » et le prouvant, Lausanne se réjouissant de voir prévaloir le droit, Christiania parlant par la bouche d’un historien norvégien de Gambetta, Louvain criant de ses ruines son allégresse et son amitié. La plupart des délégués se drapant dans les splendides costumes dont quelques-uns évoquent les âges déjà lointains, s’avançaient avec la majesté de cardinaux à cappa de moire : c’étaient des cardinaux en effet, et Strasbourg semblait aujourd’hui le centre d’un grand Concile où l’âme de l’Europe tenait assises, congrès des « Amitiés françaises. »

Puis toutes nos provinces de France défilèrent, représentées par les délégués de leurs Universités : Paris d’abord avec le recteur Lucien Poincaré qui, la veille, avait, avec sa douce gravité, adressé de si belles paroles aux étudiants assemblés, et Lille qui elle aussi sort à peine de fers brisés, et puis Nancy qui naguère gardait, je l’ai dit, une partie de l’héritage et s’estime heureuse de rapporter le flambeau conservé, et toutes nos régions, Lyon, Bordeaux, Grenoble, Poitiers, Rennes, Toulouse, Aix, Clermont, Caen, Dijon, Besançon, toute la France accourue.

Et lorsque toutes ces provinces, — après tant de pays amis, — eurent déposé entre ses mains leurs adresses et leurs vœux, le président Poincaré se leva et parla.

Tout le monde a lu son discours : il serait, aussi bien, malaisé de l’analyser ; on analyse difficilement un discours de notre Président. Il ne s’y trouve jamais de phrases négligeables ; le discours s’avance serré, nourri, substantiel, en cette belle ordonnance et cette langue élégante qui, soutenant et, en quelque sorte charmant l’attention, permet à l’orateur ce que d’autres ne tenteraient pas sans appréhension, — et par exemple de dire tout ce qui peut être dit de l’Université de Strasbourg, son passé, son présent, son avenir, l’esprit de son institution, l’histoire de son développement, le tableau de son activité au XVIIIe siècle, l’exposé de ses vœux lorsque fut réorganisé l’enseignement public, — y compris ce curieux document inédit où Strasbourg, en l’an V de la République, réclamait