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fidélité de l’Alsace-Lorraine à la France et de la France à l’Alsace-Lorraine, celle fidélité entêtée en ses espoirs et que raillait l’Allemand, a eu cette conséquence, que, pour tous, le règne allemand entre Rhin et Vosges n’était qu’interrègne et la présence des Herren Professoren à l’Université que trop long intérim. Et voici que les facultés « rentrent. » Elles rentrent même en présence d’un des maîtres qui, en 1870, eût pu « rentrer » effectivement : le vénérable docteur Gross qui, professeur à la Faculté de médecine de Strasbourg depuis le 19 mars 1869, transféra en 1872 son enseignement à Nancy où je l’ai connu doyen et qui, se levant, au milieu des acclamations de l’assistance à l’appel de son nom, semble nous adresser le salut d’outre-tombe des maîtres disparus sans avoir, hélas ! connu l’heure des revanches.

Et voici qu’une autre revanche va s’affirmer : celle d’Ehrmann.

Vous vous rappelez ce jeune étudiant, Ehrmann, que M. Maurice Barrès rencontra chez la sémillante comtesse d’Aoury, on Lorraine annexée, qu’il aperçut peu de temps après assommant si proprement, au cours d’une bagarre épique, des « camarades » teutons de l’Université au théâtre des Variétés de Strasbourg et dont, l’année suivante, il reçut les confidences à Sainte-Odile, — bref le héros de ce volume sensationnel : Au service de l’Allemagne.

Ehrmann, ancien étudiant de l’Université et ancien volontaire d’un an dans la caserne de la place d’Austerlitz, a ici à prendre deux revanches pour une. Ayant estimé, — au prix de quelles luttes entre sa conscience de Welche et son sentiment de Français ! — que « son devoir d’Alsacien était en Alsace, » il s’est ainsi exposé à être molesté par les Allemands aux Variétés et à être méconnu des Français pour avoir passé par la caserne et coiffé le casque à pointe. M. Barrès, à la vérité, — dont l’absence en ces fêtes a été l’objet d’un regret général, — en nous livrant les claires raisons dont s’inspira la conduite d’Ehrmann, nous a imposé sa sympathie pour ce jeune Alsacien dont le réalisme solide est au fond fait d’idéalisme pratique. « Je suis un héritier : je n’ai ni l’envie ni le droit d’abandonner des richesses déjà créées. » Et parce qu’il n’a pas abandonné l’héritage, il peut nous le transmettre. Oui, chacun des deux groupes alsaciens a joué son rôle. Un Pfister a, dans ses chaires françaises,