Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 55.djvu/197

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’exclue pas des usines les femmes dont les maris se sont enfuis, par crainte de la prison et des mauvais traitements. Que les Alliés exigent une amnistie générale et sincère, s’étendant à tous les délits politiques, la rentrée des ouvriers polonais dans les usines et la levée de l’état de siège.

Je demande à M. V... quelques renseignements sur Hoersing, le haut-commissaire envoyé par l’Allemagne. « Hoersing est un secrétaire de syndicat. De son métier, il est ouvrier métallurgiste. Il a fait la guerre sans gloire et sans risque, comme feldwebel dans un camp de prisonniers russes. Aux premiers jours de la révolution, il fut élu membre d’un Conseil de soldats. Par la grâce de Noske, il a été nommé commissaire en Haute-Silésie, et espère bien monter plus haut. Plus énergique qu’intelligent ; gourmand et lâche.

— Souhaitez-vous sa destitution et son remplacement ?

— Certes, nous le haïssons tous et nous nous réjouirions de son départ... si nous ne craignions qu’il ne fût remplacé par un plus mauvais. »

M. R... est un prêtre silésien, patriote polonais. « J’ai exercé le ministère, — me dit-il, — comme curé de campagne. Mais je fus bientôt dénoncé à l’évêque comme anti-allemand, destitué et privé de tout bénéfice. Tous ceux de mes confrères qui ont eu l’imprudence de manifester leurs sentiments polonais ont subi le même sort. En Silésie, le haut clergé a toujours été un instrument de germanisation. Le successeur du cardinal Kopp au siège de Breslau, Mgr Bertram, est tout dévoué à la cause allemande. Chaque pasteur est invité, plus ou moins directement, à germaniser ses ouailles. : s’il ne se prête point à ce rôle, c’est la disgrâce. »

Dans la soirée, j’ai repassé la frontière pour rentrer à Kattowitz.


MAURICE PERNOT.