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Grenzschutz allemand ; là, les Polonais de l’armée Haller. Les uns et les autres ont la même consigne : empêcher les patriotes polonais de pénétrer, isolément ou par groupes, sur le territoire prussien. Les persécutions dont sont victimes leurs frères de Haute-Silésie ont excité au plus haut point la colère des Polonais et leur désir de vengeance. Pratiqueraient, cette frontière est impossible à garder : toutes les nuits, des Polonais la franchissent dans les deux sens, en dépit des patrouilles et des mitrailleuses. Chemin faisant, j’entends quelques coups de fusil ; au-dessus de ma tête se balance un ballon allemand d’observation ; et c’est un avion allemand que je vois traverser, lui aussi, la frontière, pour aller voir ce qui se passe à Sosnovice.

Les rues de la petite ville sont très animées. Elles empruntent leur couleur, d’une part, aux uniformes bleus des soldats de Haller, d’autre part, aux costumes pittoresques de la population juive. Juifs à papillotes, en longue lévite et bonnet de fourrure, fillettes en robe verte et tablier rouge : on se croirait à Cracovie ou à Jérusalem.

Les réfugiés de Haute-Silésie continuent à affluer ici. En dépit du sentiment de solidarité nationale, les ouvriers de Sosnovice ne voient pas d’un bon œil cette invasion de sans-travail, prêts à faire n’importe quoi pour n’importe quel salaire. En fait, on embauche peu de Silésiens ; des comités de bienfaisance les groupent, soit pour les diriger sur les villages, où il est plus aisé de les loger et de les nourrir, soit pour former des corps de milice, appelés à renforcer éventuellement les troupes régulières. Tout cela ne va pas sans désordre et n’est pas sans danger.

On m’a ménagé une entrevue avec quelques-uns des chefs polonais que les Allemands ont expulsés au printemps dernier, et qui continuent à diriger, de Sosnovice, le mouvement nationaliste de Haute-Silésie. M. V..., avocat et homme politique, m’assure qu’à aucun moment la Pologne n’a cherché à provoquer une guerre avec l’Allemagne. L’insurrection de Haute-Silésie est le résultat des manœuvres allemandes. Parmi les Polonais que l’autorité allemande a bannis ou jetés en prison, il y a certainement quelques malfaiteurs, qui ne devront pas échapper au châtiment qu’ils méritent. Mais le plus grand nombre n’a commis d’autre crime que d’être Polonais. Qu’on punisse les coupables, mais qu’on protège les innocents. Qu’on