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et pillent les maisons, arrêtent les habitants, les battent et parfois les mettent à mort. Le socialiste Hœrsing, promu à la dignité de haut-commissaire, dirige la répression.

Quelques heures après mon arrivée, j’entends, à l’hôtel où je suis descendu, le récit d’exploits monstrueux et récents. Passant dans un village, devant une maison où des Polonais célébraient une noce, des soldats allemands en patrouille ont lancé, par les fenêtres ouvertes, plusieurs grenades à main sur la paisible assemblée. A Tichau, un garçon polonais de seize ans est accusé d’avoir coupé le nez et les oreilles à un soldat allemand, et immédiatement fusillé. Le lendemain, sur la demande des parents, on exhume le cadavre du soldat, qui est trouvé intact. Des femmes, dont les maris avaient passé la frontière, ont été traînées au poste de police le plus voisin de leur domicile, et battues à coups de cravache, de tringle de fer et de crosse de fusil. La bestialité des soldats s’est acharnée sur des femmes enceintes. Et ceux qui me rapportent ces faits et qui me montrent ces photographies de cadavres horriblement mutilés, sont deux officiers, un Français et un Anglais, tous deux membres de la commission d’enquête interalliée.


LE POINT DE VUE DES POLONAIS DE HAUTE-SILÉSIE

Le soir, j’ai une entrevue avec Adamec, l’un des chefs du mouvement ouvrier polonais. Celui-là insiste sur le caractère social du conflit qui divise propriétaires de mines et ouvriers. Il y a en ce moment, dans la seule région de Kattowitz, plus de vingt mille chômeurs ; l’extraction du charbon est réduite de moitié. Ma conversation avec Adamec me fait comprendre à quel point le problème social et le problème national sont ici mêlés l’un à l’autre : il est presque impossible de les séparer.

Je demande à Adamec quelles sont, en Haute-Silésie, les principales organisations. « Ici, — me répond-il, — les patrons sont syndiqués, comme les ouvriers. L’Arbeitgeberverband réunit les propriétaires de 63 mines, sur 65 que possède la région. Quant aux organisations ouvrières, il y en a cinq : union socialiste allemande, union socialiste polonaise, union nationale-allemande, union nationale-polonaise, union allemande-chrétienne-sociale. Les organisations ouvrières polonaises