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et les statistiques dont elle tire argument. Je ne les ai jamais reçus.

Demain, le président Ebert prêtera serment à la Constitution ; après quoi gouvernement et Parlement quitteront Weimar, pour revenir à la capitale, où ils estiment que l’ordre est désormais suffisamment rétabli. Ebert, Bauer, Erzberger envisagent l’avenir avec confiance ; et puis, ils comptent sur l’énergie de Noske pour conjurer le mauvais destin.


III. — HAUTE-SILÉSIE


Kattowitz, 3 septembre.

La ville présente l’aspect connu de toutes les villes d’industrie et de charbon : des fumées noires la couronnent, une poussière noire la recouvre, apparente même sur les briques rouges du mur ou de la chaussée. Deux édifices gris et massifs ornent la place centrale : l’un est le musée, consacré, dit une inscription, « à la pensée allemande, — à la race allemande ; » l’autre est la Préfecture de police.

Tout est noir à Kattowitz ; pourtant, on n’y voit plus de charbon. Je tombe ici en pleine guerre : guerre entre capital et travail, guerre entre Allemands et Polonais ; c’est tout un, puisque, dans les mines comme dans les usines, l’ouvrier est toujours Polonais, et le patron ou le directeur toujours Allemand. Au mois d’avril dernier, le brusque renvoi de quatre-vingt-dix mineurs a provoqué des troubles, qui ont abouti, le 13 août, à la grève générale. Sous prétexte de maintenir l’ordre, le gouvernement de Berlin a envoyé en Haute-Silésie la plus disciplinée, mais la plus brutale des troupes prussiennes. Le VIe corps d’armée, auquel on a rattaché la deuxième brigade de marine, occupe la région comme un territoire récemment conquis. Les habitants allemands se sont enrôlés dans des formations de volontaires : Grenzschutz, Einwohnerwehr, et terrorisent les Polonais. Parmi ceux-ci, les uns ont passé la frontière et sont allés chercher du travail dans le bassin voisin de Sosnovice ; les autres se sont réfugiés dans les anciens puits, dans les forêts, où les soldats allemands leur donnent impitoyablement la chasse. Les femmes et les enfants de ces fugitifs sont restés sans ressource, et exposés aux tracasseries, ou même aux cruautés de la police et de la troupe allemandes, qui fouillent