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à procurer à l’État les énormes ressources dont il a besoin, et à conserver au gouvernement l’appui des socialistes, dont il ne peut pas se passer, pour le moment. L’impôt sur le revenu est terriblement progressif, puisque, avec le concours des démocrates, nous avons dû faire introduire hier un amendement, aux termes duquel les exigences du fisc ne pourront en aucun cas excéder 90 p. 100 d’un revenu particulier. Observez qu’un Allemand qui possède 100 000 marks de revenu, ce qui est un cas assez fréquent, paiera au trésor entre 66 et 75 000 marks. L’impôt sur les successions n’équivaut pas à la suppression de l’héritage : mais il y prépare ; les droits du fisc sont calculés, non seulement sur l’importance de la succession et sur le degré de parenté, mais encore sur la situation de fortune de l’héritier. C’est assez vous dire que nos gouvernants, en arguant de la nécessité de prendre l’argent où il se trouve, n’ont pas manqué de donner aux socialistes les satisfactions qu’ils attendaient. Tout cela, c’est de la politique, et tout cela, c’est du détail. L’essentiel est de faire face à une situation très difficile, sans ruiner le pays, qui doit vivre, produire, et s’assurer par de nouveaux efforts une prospérité nouvelle. Réduire les dépenses, augmenter les recettes, sans entraver l’activité économique du pays, telle est la tâche difficile qu’assumera demain l’administration de l’Allemagne unifiée.

— « Cette administration, dans son ensemble, diffère-t-elle beaucoup de celle d’autrefois ?

— « Au sommet, elle est transformée. C’est à peine si, parmi le haut personnel, on trouve encore un ou deux ministres d’ancien régime, et encore dans les petits Etats. Mais les fonctionnaires subalternes des ministères et de l’administration sont restés à leur poste presque tous. Ceux qui sont partis volontairement sont en petit nombre, et le nouveau gouvernement n’en a pas remercié beaucoup, sachant qu’il ne pourrait pas les remplacer. Serviront-ils avec le même zèle, le même dévouement ? on peut en douter. Car, pour beaucoup d’entre eux, le fondement du devoir professionnel, c’était la fidélité au souverain et à la monarchie, c’était le loyalisme. Cela est surtout vrai en Prusse. Je ne sais si M. Ebert obtiendra de ses fonctionnaires le respect presque religieux, l’abnégation totale, le désintéressement scrupuleux sur lesquels l’Empereur et les princes souverains d’Allemagne étaient certains de pouvoir compter. »