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ENTRETIEN AVEC LE COMTE POSADOWSKI

On a demandé pour moi un entretien au comte Posadowski, chef de l’ancien parti conservateur (aujourd’hui national allemand) ; je l’aborde au moment où il sort de la salle des séances ; il m’invite à m’asseoir auprès de lui, et nous causons, en français.

« Je mentirais, — me déclare le leader conservateur en lissant entre ses deux mains sa longue barbe blanche, — si je vous disais que nous avons vu avec plaisir installer la république en Allemagne. Mais nous plaçons l’intérêt national au-dessus des intérêts de parti, et nous sommes disposés, mes amis et moi, à prêter notre concours au gouvernement pour toute entreprise raisonnable. Peut-on qualifier ainsi l’entreprise qui consiste à socialiser les principales industries ? Cela se discute. Néanmoins, vu que la philosophie est une chose et que la politique en est une autre, nous estimons qu’en ce moment une certaine socialisation est inévitable. Notre effort tend, non pas à écarter le système, mais à en limiter et à en régler l’application. Nous ne croyons pas, ni qu’on puisse jamais socialiser la terre, ni qu’on puisse encore socialiser les mines ; mais nous ne voyons pas d’inconvénient à ce qu’on nationalise les forces électriques d’une certaine importance. Notre seule inquiétude vient de ce que, chez vous comme chez nous, l’Etat est un médiocre administrateur...

« « Irons-nous très loin dans la voie de la socialisation ? Je me permets d’en douter. Il y a des modes, en politique comme en vêtement. La mode d’à présent, c’est de crier très haut et à propos de tout : guerre au capitalisme ! J’ai dit autrefois dans un discours, et je pense encore aujourd’hui, qu’on ne gouverne longtemps ni contre le capitalisme, ni contre l’intelligence, qui demeurent, quoi qu’on en ait, deux facteurs très importants de la production et de l’organisation nationale. »

Je demande à M. de Posadowski ce qu’il pense du projet de réforme fiscale récemment présenté par M. Erzberger ! « Il y a actuellement pour l’Allemagne, — me répond-il, — une nécessité qui prime toutes les doctrines et tous les systèmes : nous devons exécuter le traité de paix., et pour cela, il nous faut beaucoup d’argent. L’Etat ne peut prendre l’argent que là