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Me souvenant que M. de N... était auprès du comte Hertling pendant la période décisive qui s’écoula entre l’ultimatum de l’Autriche à la Serbie et la déclaration de guerre, je lui demande quelques précisions sur le rôle joué en cette circonstance par le gouvernement de Munich. « Mon Dieu ! répond-il, tout cela est désormais de l’histoire, et nous n’avons plus rien à cacher., Il est incontestable que nous connaissions les termes de l’ultimatum avant qu’il ne fût envoyé à Belgrade. Et dès lors, nous comprimes clairement à Munich que la camarilla militaire et pangermaniste voulait la guerre et nous y menait tout droit. Mes amis et moi, nous avons conseillé, supplié M. de Hertling de se rendre à Berlin sans retard. Le ministre-président hésitait. Vous l’avez connu : c’était une grande intelligence, mais un caractère faible. Nous obtînmes enfin de lui qu’il adressât à Berlin un télégramme, pour marquer son inquiétude et demander que l’on convoquât d’urgence la Commission des Affaires Extérieures du Conseil Fédéral, dont la constitution de l’Empire lui donnait la présidence. A ce télégramme, rédigé en termes très modérés, très prudents, il ne fut jamais répondu. Tout se passa dès lors entre un petit nombre de personnes, qui entouraient l’Empereur. Lorsqu’on faisait à Jagow quelques objections sur la politique qu’il conduisait, sans peut-être l’avoir bien comprise, il répondait que ses informations étaient formelles et concordantes : le conflit demeurerait limité à l’Autriche et à la Serbie. Avec quelles lunettes lisait-il les télégrammes de Pourtalès ?... Vous savez le reste. »


UN TÉMOIN DE LA RÉVOLUTION


7 août.

Un journaliste berlinois, que j’ai connu au temps de la crise marocaine, vient me demander une interview. Je réponds à ses questions ; après quoi il répond aux miennes. Je voudrais enfin apprendre, d’un témoin, ce que fut la Révolution à Berlin.

— Vous étiez ici pendant les journées de novembre 1918 : eh bien ! que s’est-il passé ? qu’avez-vous vu ?

— La révolution, me dit-il, — c’est-à-dire la journée du 9 novembre, je l’ai passée chez Hiller « restaurant situé Unter der Linden), dans le grand cabinet du rez-de-chaussée, où