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Va donc là-bas, et pense à moi, pense au village.
Écoute, l’Angelus tinte ; dans l’air léger
Monte jusques ici la voix de ton clocher,
La voix qui communique aux choses la prière,
Qui fait se rapprocher l’église et la chaumière.
………………….
O cloche, par-dessus nos montagnes sauvages,
Sonne sur les cités, sonne sur les villages ;
Que ta voix ébranlant les vieux clochers pointus.
Dresse sur leurs ergots les coqs qui se sont tus.


Que Jean, devant les cathédrales de France, pense à sa petite église, à la cloche qui peut-être un jour sonnera leurs épousailles.

Enfin, elle lui a dit : Pars, la route est longue. Va là-bas pour l’honneur de ta race,


Pour que la France en toi reconnaisse les siens,
O petit paysan des champs laurentiens !


Ce sont là de beaux vers. On en sentira chez nous toute la valeur d’art ; mais nous sentirons tous que nous ne pouvons pas les juger seulement par la valeur d’art. C’est notre cœur de Français qui répondra à la voix du cœur canadien.

Il faut que cette voix soit entendue ici.

Il faut qu’à tant d’amour notre reconnaissance réponde.

Rien ne prévaut contre l’amour. Aucun malentendu, aucune défiance, aucune ignorance. aucun égoïsme ne prévaudra. J’entends dans ces vers le présage de la réunion intime du Canada et de la France.

Il ne s’agit point, nul ne s’y trompera, d’une réunion politique que personne ne rêve. Le courant de l’histoire ne se remonte pas. La France a arrêté le compte de ses fautes anciennes définitivement. Il s’agit de la réunion de deux âmes, de deux personnes morales, qui resteront distinctes, et indépendantes, et libres d’aller chacune vers son destin.

Mais à l’heure où par toute la France s’élève un désir passionné d’oubli des vieilles haines, une claire volonté de concorde entre les citoyens, du même coup s’abaisse la barrière qui empêchait la majorité des Canadiens français de voir la vraie France et de venir à elle.


GUSTAVE LANSON.