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France trop de chemins de fer et trop de routes pour que les réserves accumulées en arrière des lignes ne puissent opportunément arriver à l’endiguer, où qu’elle ait pénétré.

La difficulté de vaincre, en France, ne résidait pas dans la percée du front organisé, — ce qui est chose toujours possible, — mais dans le pouvoir d’exploiter cette percée ; ayant franchi la porte par effraction, il fallait entrer profondément dans la maison. C’est pourquoi, quand on cherchait la décision, le véritable adversaire, et le plus redoutable, n’était pas l’occupant des tranchées à conquérir, mais celui qui devait venir tout à l’heure arrêter l’attaque à plus ou moins grande distance des tranchées franchies. En d’autres termes, les réserves devaient être annihilées ou dispersées d’abord, la trouée ne devant venir qu’ensuite.

Pour annihiler, disperser, fixer, user en un mot les réserves, un seul moyen : des attaques partielles, sur plusieurs points, à courts intervalles de temps et finissant d’ailleurs par se superposer, afin d’obliger l’ennemi à des remplacements d’unités et à des renforcements continuels, afin d’aspirer pour ainsi dire toutes ses disponibilités.

Ces attaques d’usure, ou mieux d’absorption des réserves ne se peuvent conduire, on le conçoit, à coup d’hommes. Sans parler d’autres considérations, l’homme est une denrée précieuse et l’un des adversaires n’en est généralement pas plus prodigue que l’autre. C’est surtout à coup de matériel qu’il faut agir. Economie d’infanterie, prodigalité sans limites de canons et autres engins de guerre, telle doit être la caractéristique de ces opérations préliminaires.

Une conséquence s’en suit : avec peu d’infanterie, on ne peut pousser loin. Donc, sans fixer à l’avance de limites infranchissables à ces attaques, car il n’est jamais permis de négliger une providentielle circonstance, on doit procéder de bond en bond, sous la protection de l’artillerie, afin de maintenir l’ennemi sous une constante menace

Quand, à la suite d’un certain nombre d’actions de ce genre, les réserves de l’adversaire ont fondu sur le front, l’heure de la trouée a sonné. Une attaque dernière, plus vaste que les autres pour produire une plus large brèche, toujours pourvue du maximum de matériel : mais encore mieux garnie en profondeur de divisions d’infanterie, peut partir en toute sûreté.