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groupes au cœur solide, armés de mitrailleuses et chargés de prévenir du moment de l’attaque, après quoi ils devaient se retirer en faisant le coup de feu. La défense effective fut reportée sur la deuxième position, laquelle demeurait à peu près intacte parce que située en dehors de la zone d’action de la majorité des canons de campagne de l’assaillant. Dès lors, l’attaque donna dans le vide ; sa préparation d’artillerie devint inutile ; pendant des kilomètres, elle resta sous le feu de l’artillerie de la défense, tandis que les fractions essaimées qui l’avaient démasquée et retraitaient, lui infligeaient pertes et retards. Quand elle parvenait à courte portée de la deuxième position, elle était déjà ébranlée, disloquée, abandonnée par le feu protecteur de son canon qui suivait l’horaire établi à priori, soumise au feu destructeur de la défense, tamponnée par les divisions de deuxième ligne qui la suivaient à la trace. Autant dire qu’elle volait déjà en éclats. Finalement, elle échouait piteusement quand elle n’était pas aussitôt contre-attaquée et rejetée sur ses points de départ.

La méthode était bonne ; elle ne le serait probablement pas restée longtemps. A la guerre, tout est en perpétuelle transformation. Il n’y a pas de système qui vaille indéfiniment ; il n’y en a même pas qui convienne à deux points différents du champ de bataille. La guerre vit, il est vrai, de grands principes, mais, dans l’exécution, elle réclame sans cesse de nouveaux expédients.


Si Ludendorff a tenté sur le front français de grandes attaques, il ne les a jamais lancées que successivement, à intervalles de temps si éloignés que la répercussion de l’une ne se faisait plus sentir sur la suivante, c’est-à-dire que les divisions françaises engagées contre la première restaient capables, après recomplètement et repos, de faire encore face à la seconde. Et c’est la grande faiblesse de sa méthode. « Nous n’avons pu, dit Ludendorff, ni à l’Est, ni à l’Ouest, pendant tout le cours de la guerre, mener aucune grande percée stratégique jusqu’à ses dernières conséquences. »

Nous ne saurions trop le répéter, car cette notion domine toute la guerre, en explique les tentatives vaines comme les événements de la fin : une attaque, si puissante fût-elle, ne pouvait conduire à rien de décisif sur notre front. Il existe en