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dite « en lignes intérieures. » La situation de l’Allemagne entourée d’ennemis, au centre de l’Europe, se prêtait d’ailleurs admirablement à ce genre d’opérations. Elle y était comme une place, immense mais assiégée, d’où elle effectuait des tentatives pour rompre le cercle qui l’entourait. Sorties finalement infructueuses que les attaques en Russie, en Roumanie, en Macédoine, en Italie et en France. Sortie manquée que l’unique essai de la flotte de haute mer pour abandonner ses bases. Tentative de sortie encore que la guerre sous-marine.

Ainsi, sur tout le périmètre investi, tantôt ici, tantôt là, Ludendorff attaque ou résiste. Il passe ses veilles à rassembler ses forces sur un point, soit qu’il prenne l’initiative, soit qu’il doive répondre à celle de ses adversaires. Durant quatre ans, l’Allemagne est sillonnée d’une quantité considérable de trains de troupes qui vont, viennent, déplacent le centre de gravité du système, donc le point d’application principale de l’effort ou de la résistance, au gré de la Direction suprême.

Ces mouvements dont aucune guerre n’avait encore fourni pareil exemple et dont, en temps de paix, on n’envisageait pas sans appréhension la possibilité, mériteraient une étude particulière. Leur connaissance nous a été aussi précieuse, alors que nous étions sur la défensive qu’aux heures de nos attaques, car elle nous éclairait à la fois sur les intentions de l’ennemi dans un proche avenir et sur les craintes que lui inspiraient nos offensives. Il est arrivé, par exemple, qu’une division allemande, embarquée pour le front russe, ait été subitement rappelée, en plein transport, vers le front occidental. Une circonstance aussi anormale est bien de nature à marquer le degré d’inquiétude dont le commandement allemand était, à ce moment, saisi.


Dans la défensive, Ludendorff a nettement vu que les combats pour des bouts de tranchée étaient aussi improductifs pour le résultat final que coûteux en hommes et en munitions. Il a saisi toute l’importance de l’échelonnement de l’infanterie et de l’artillerie dans le sens de la profondeur. Il a compris qu’une première position, attaquée par surprise après bouleversement par une artillerie puissante, a les plus grandes chances d’être enlevée par un adversaire valeureux. Il a même vu que la surprise n’était pas nécessaire, dès le moment où le bombardement