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détruits, et il en conclut que la Belgique est décidée à la guerre. Qui se garde, chez soi, contre un voisin dangereux, ne prend cependant pas pour cela figure d’assaillant. Où Ludendorff dépasse vraiment la mesure, c’est quand, parlant de la « félonie italienne, » il fait appel « aux lois morales qu’une nation ne doit pas violer. » Ce privilège est évidemment réservé au seul peuple élu.

Devant la violation flagrante des engagements les plus solennels, la Belgique et son roi, n’écoutant que la voix de l’honneur, prirent les armes. Les gardes civiques qui possédaient en tout temps équipement et armement, furent convoqués et firent le coup de feu contre l’envahisseur comme c’était leur devoir et aussi leur droit. Ludendorff fait d’eux des francs-tireurs et ainsi explique, sinon excuse, les actes barbares commis par les troupes allemandes. D’ailleurs, à ses yeux, ce sont pour la plupart des légendes. Légende, l’incendie de Louvain ! Légendes, les fusillades en masse et les incendies concertés un peu partout chez nos voisins ! Ludendorff sait bien que les gardes civiques agissaient dans la plénitude de leur droit, car l’Allemagne avait signé, comme la Belgique, la France et l’Angleterre, la Convention IV annexée au protocole de la Haye, dont l’article 2 du chapitre I traite précisément de la question. Mais la signature de l’Allemagne au bas de l’acte de la Haye n’engage pas plus que celle de la Prusse sur le Traité de 1839. Nécessité fait loi ! Encore, dans le cas particulier, pourrait-on contester le bien-fondé de la nécessité.

Les premières émissions de gaz asphyxiants sur le front russe, — contravention nouvelle aux engagements internationaux, — n’évoquent, en l’esprit de Ludendorff, aucun besoin de justification. Le moyen est bon pour surprendre l’adversaire désarmé et le terrasser à peu de frais. N’est-ce pas suffisant ? Il regrette seulement que les coups du début aient manqué et que les gaz se soient quelquefois retournés contre ceux qui les avaient lancés, parce que des insuccès de ce genre sont de nature à jeter la défaveur sur un incontestable moyen de nuire.

La guerre sous-marine sans restrictions devait évidemment causer la mort de milliers d’innocents. Cette idée n’effleure pas son esprit. Il présente cette guerre comme une nécessité pour l’Allemagne d’abord, puis comme une réponse, directe et moins coupable, au « blocus de la faim » exercé par l’Angleterre, mais