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politique extérieure, nous sommes placés en face d’une guerre européenne contre des adversaires supérieures, et le poids de cette situation nous est presque insupportable. Cela comporte les plus grands dangers pour la paix de l’Europe, — qui, après tout, peut tenir le second rang dans nos préoccupations vitales, — mais encore pour nous-mêmes... Si nous voulons obtenir pour notre nation la place qui lui revient dans le monde, il faut nous confier à notre glaive, renoncer à toute utopie pacifiste efféminée, regarder avec fermeté les dangers qui nous entourent [1]. »

Et comme si ce n’était pas assez clair, dans un livre plus récent [2], il s’exprime avec mépris sur la politique d’équilibre que pratiquent les nations de l’Entente, par effroi des résolutions viriles et pour faire échec à un pays plein de jeunesse et de force dont l’expansion est cependant nécessaire. La lutte est donc certaine ; elle est proche. Que l’Allemagne s’arme, qu’elle et ses chefs regardent fermement la tâche à entreprendre. Et, quand elle sera prête, qu’elle marche. Au besoin, sa diplomatie « biseautera les cartes, » car il peut y avoir quelque avantage à obliger l’ennemi à attaquer. Des prétextes ? Ils abondent aussi bien en Afrique qu’en Europe. Celui-là au moins parle net et l’on sait à quoi s’en tenir. Il parle si net que les Allemands eux-mêmes ne lui en surent aucun gré, et se montrèrent froissés, non de l’idée, cela va sans dire, mais de la stupidité dangereuse de ce prestidigitateur malhonnête, qui s’en allait de par le monde dévoilant le « truc. »

Ludendorff, lui, prête à ses adversaires les mobiles qui l’animent et qu’au moins publiquement il dissimule. De même que l’Entente a voulu la guerre, de même elle refuse de traiter, quand on le lui propose, parce que son seul but est de jeter bas la grande Allemagne. Il ne veut pas voir que celle-ci fait la guerre pour en tirer profit à notre détriment et que la France se bat pour ne pas périr avec sa liberté. Il se plaint que son pays n’ait pas produit un Clemenceau. C’est peut-être que Bethmann-Hollweg ne luttait pas pour le même motif ; c’est peut-être que ces deux hommes n’étaient pas suivis de foules animées du même esprit. Une telle hypothèse ne peut venir à l’esprit de Ludendorff.

  1. La Guerre d’aujourd’hui.
  2. L’Allemagne et la prochaine guerre.