Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 55.djvu/142

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

impérial. Il a été, d’autre part, unanime à vouloir la guerre à son début. A la fin cependant, il s’est révolté. Il faut donc que, dans l’intervalle, la guerre lui ait apporté d’insupportables déboires.

Et, en effet, la guerre qu’il acclamait en 1914 était, non pas celle qui lui fut donnée, mais celle que ses dirigeants et notamment le parti militaire lui avaient promise : courte et grandement profitable. Dès qu’il vit qu’elle serait longue, — et Ludendorff, après la Marne, en eut un des premiers la notion, sans d’ailleurs en tirer les conclusions nécessaires, — son enthousiasme tomba. Dès qu’il entrevit qu’elle pourrait n’être pas profitable, il fut déçu. Sa déception s’accrut encore de ce que la Direction de la guerre s’obstina longtemps à le leurrer. Ne pouvant plus parler de la première partie du programme puisque le temps passait, elle affirma que la guerre serait victorieuse. La victoire qu’elle n’avait pas donnée hier, elle la donnerait demain, avec toutes ses conséquences dont l’énumération demeura, pendant des années, séduisante.

Le peuple cependant ne pouvait être indéfiniment abusé par des promesses toujours vaines. Il vit bien que chaque jour lui créait un nouveau dommage et lui apportait un adversaire nouveau ; il comprit qu’à ce train, le monde entier serait bientôt contre lui : or, on ne vainc pas le monde coalisé ! Il finit par se convaincre que non seulement la guerre ne lui donnerait aucun profit, mais que, déjà désastreuse en ses effets perçus, elle menaçait de tourner à la catastrophe. C’en était trop ; il y fallait mettre un terme, et la révolution gronda. On peut dire qu’elle a été dirigée uniquement contre le parti militaire dont Ludendorff est le plus remarquable représentant.


Ce dont il faut le plus s’étonner, c’est qu’elle n’ait pas éclaté plus tôt, car enfin nous ne la vîmes poindre qu’à l’heure où l’armée allemande, au bord de l’abîme, allait subir une catastrophe militaire telle que l’histoire n’en aurait peut-être jamais fourni d’exemple.

Car c’est une légende à détruire que celle de l’armée allemande invaincue. Lorsque l’armistice lui fut accordé, cette armée formidable qui, au 15 juillet 1918, comptait plus de 80 divisions réservées, avait fondu, sous les coups répétés des Alliés ; au point de ne plus disposer que d’une quinzaine de