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Or, quelques sondages permettent d’affirmer que certaines de ces stupéfiantes allégations de l’espion sont conformes aux réalités : oui, il y eut une période où le Comité de Salut public se scinda en deux partis adverses, et l’on possède à ce sujet le témoignage de plusieurs de ses membres : en octobre 1794, la Terreur finie, Cambon fit, du haut de la tribune de la Convention, des révélations inattendues ; membre du Comité depuis la création jusqu’au 10 juillet 1793, il avait surpris alors que « Robespierre, Danton, Pache et la Commune se réunissaient à Charenton. » « Le fait est prouvé, dit-il, il fut constaté qu’il y avait des repas… Voyant qu’on créait là un Comité de Salut public, alors que vous en aviez créé un autre à Paris, nous fîmes chercher le ministre ; nous appelâmes les membres dénoncés ; Danton dit : « Il est vrai, nous avons été diner ensemble ; mais ne crains rien, nous sauverons la liberté. » Dans le même temps on nous dénonçait que, dans des conciliabules, il était question de proclamer le jeune Capet roi de France… » Et Cambon ayant déclaré qu’il existait un registre secret que lui et cinq de ses collègues « avaient eu le courage de signer, » où étaient signalées ces réunions irrégulières, Barère rappela que, « à l’époque même où elles avaient lieu, il les avait dénoncées à la tribune de la Convention. »

Ces conférences clandestines entre conventionnels et membres de la Commune ont été également constatées par Courtois dans son Rapport sur les événements du 9 thermidor ; on y lit que « Auteuil, Passy, Vanves, Issy étaient successivement les lieux « choisis par les conspirateurs ; » à Maisons-Alfort, ils se réunissaient « dans une maison d’émigré louée par Deschamps, l’aide de camp d’Hauriot ; Pache, les frères Payan, Fleuriot-Lescot assistaient à ces conciliabules criminels. Quant aux assemblées de Choisy, où figuraient Robespierre, Lebas, Danton, Hauriot et ses aides de camp, Dumas et Fouquier-Tinville du Tribunal révolutionnaire, de nombreux témoignages, recueillis après thermidor dans le bourg même, en attestent la réalité. Elles n’y sont même pas tout à fait oubliées actuellement, puisque, il y a quelques années, une inscription commémorative fut solennellement posée sur la maison où Danton avait son logement, chez son compère et agent Fauvel. C’est le long des berges de la Seine, au lieu dit, du temps des Rois, « le port aux gondoles, » endroit jadis