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autres que des déserteurs de l’armée travestis en soldats citoyens ; mais la réputation de la garde nationale n’en fut pas améliorée. Le désordre y était de règle ; il arrivait que des sectionnaires se présentaient au Temple cinq ou sept heures après le midi réglementaire sans billets de garde, sans convocation, sans cartes d’entrée, si bien qu’il fallait ouvrir une enquête, afin de discerner si ces miliciens étaient des « malintentionnés, » cherchant à enlever les prisonniers, ou de bons citoyens soucieux d’accomplir leur devoir. On imagine donc ce qu’était cette « formidable » garnison du Temple, composée de trois cents hommes disséminés dans les corps de garde et dans les annexes de la prison, ces sentinelles insouciantes auxquelles il suffisait, pour entrer ou pour sortir, « de montrer de loin sa carte et qui ne se dérangeaient pas pour l’examiner, » et l’on comprend qu’un aventureux comme de Batz n’ait pas hésité à lutter d’astuce et surtout de zèle, contre ces garnisaires indolents.

Il échoua, d’ailleurs, dans son entreprise ; non point faute d’étude et de précautions, car, d’après une note manuscrite laissée par Senar, l’un des policiers des Comités de la Convention, le hardi baron était venu en personne étudier les localités. La nuit fixée, Michonis est à son poste dans l’antichambre de la Reine ; le capitaine Cortey occupe avec ses trente royalistes le corps de garde de la Tour ; de Batz s’est enrôlé parmi eux, voulant partager les dangers auxquels il expose ses compagnons : les commissaires dorment à la salle du Conseil, les soldats dans les communs du Palais ; tout marche à souhait ; Cortey va mettre ses hommes en mouvement quand, soudain, le cordonnier Simon arrive, tout courant. Il vient de la Commune qui siège en ce moment : — « Ah ! te voilà, dit-il à Cortey ; si je ne te voyais pas ici, je ne serais pas tranquille. » Il se fait ouvrir la chambre des prisonnières, constate leur présence, communique à Michonis un ordre du Conseil Général lui enjoignant de se rendre sur-le-champ à l’Hôtel de Ville. Michonis obéit, Simon prend sa place, donne l’alarme ; tandis que Cortey, sous prétexte d’assurer la sécurité des abords du Temple, conduit sa patrouille dans la rue pour permettre à de Batz de s’esquiver. L’affaire n’eut pas de suite, — et c’est bien singulier. Arrivé à la Commune, Michonis répondit avec tant d’aplomb et de bonhomie aux questions qui lui furent posées