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jusqu’à la forêt de Bondy, s’y cacher, pénétrer dans Paris par le boulevard du Temple, enfoncer la garde de la prison en donnant plusieurs fausses alertes dans différents points, enlever en croupe les quatre prisonniers et les conduire à fond de course jusqu’à Pont-Saint-Maxence où se serait trouvé un autre corps de cavalerie pour les recevoir. » L’entreprise était hardie ; mais elle présentait des chances de réussite : il est certain qu’un escadron de hussards, barrant les rues, forçant les portes du Temple, aurait eu raison, en quelques coups de plat de sabre, des paisibles gardes nationaux qui jouaient aux boules ou aux palets dans le jardin de la prison et des commissaires attablés à la salle du Conseil.

La tentative, moins expéditive, perpétrée par certains municipaux, mérite plus d’attention ; ceux-ci, du moins, connaissaient par longue expérience les chances de succès aussi bien que les risques qu’ils allaient affronter. On n’a pas oublié peut-être Toulan, ce jeune Gascon qui, de service au Temple le 26 et le 27 janvier, ne craignit pas de soustraire les objets laissés par Louis XVI partant pour l’échafaud et les remit clandestinement à la Reine. Soit que ce coup d’audace lui eût donné la mesure de l’ineptie ou de l’indolence de ses collègues, soit que, tout fougueux républicain qu’il fût, il eût été touché des malheurs de la souveraine captive, il lui soumit, le jour même, un plan d’évasion qu’elle consentit à examiner sous la seule condition qu’un de ses fidèles, resté en correspondance secrète avec elle depuis le début de sa captivité, en aurait connaissance et l’approuverait. Ce dévoué royaliste était M. de Jarjayes ; ayant reçu du Roi l’ordre formel de ne pas quitter Paris, il s’était chargé de plusieurs missions délicates et périlleuses ; il était, d’ailleurs, toujours en fonctions et employé, en qualité de son grade, au Dépôt général de la guerre.

Toulan n’hésite pas : il se présente chez Jarjayes et demande à l’entretenir en secret. Son costume, ses manières, tout annonce un révolutionnaire et la surprise du royaliste est grande lorsqu’il entend son visiteur annoncer qu’il est membre de l’odieuse Commune régicide et quand il le voit à ses genoux, « témoignant un repentir profond de la conduite qu’il a tenue jusqu’alors, et sollicitant une entière confiance. » Toulan, pour preuve de sa sincérité, remet au général de Jarjayes un billet de la Reine garantissant son dévouement. Il n’expose pas en