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lieu de trois cents hommes, d’un commandant, d’un porte-drapeau, il propose de ne plus mobiliser quotidiennement que cent gardes nationaux commandés par un adjudant et un sergent. La motion va être votée quand Real, qui semble très renseigné, proclame que « jamais la vigilance n’a dû être plus active, » et la demande du général est renvoyée au Parquet. La milice parisienne montre pour ce service si peu d’empressement qu’il faudra, deux mois plus tard, envisager les moyens de payer trois livres par jour ceux des citoyens qui consentiront à occuper les postes du Temple, ou de les y nourrir aux frais de la nation. L’insouciance au sujet de la prison royale, la désertion des membres du Conseil seront bientôt si générales que certain soir, à l’heure ordinaire de la séance, le maire se trouva « presque seul » pour recevoir une pétition des ouvriers de Paris.

Real pourtant était bien informé : depuis que les portes du Temple s’étaient refermées sur la famille royale, jamais ses fidèles n’avaient encore travaillé avec plus d’activité à sa délivrance. Des complots d’enlèvement se tramaient à Paris, en province, à l’armée, à l’étranger, et quoique plusieurs, restés sans doute à l’état de projets, — voire de rêves, — ne nous soient connus que par de trop vagues indices, ceux qui prirent forme demeurent assez nombreux pour qu’il soit permis de constater qu’une évasion, même collective, n’était pas considérée comme irréalisable par ceux qui se trouvaient le mieux placés pour en évaluer les risques et les éventuels malencombres. Qu’un émigré français, le comte Louis de Noailles, ait conçu le dessein de venir de Londres à Paris afin d’arracher le Dauphin à ses geôliers, sans autre moyen d’action qu’un faux passeport et deux pistolets à vent, cela prouve plus en faveur de sa résolution que de son discernement. Mais d’autres, beaucoup mieux avertis, n’y mettaient guère plus de circonspection : témoin Dumouriez qui, de son quartier général de Flandre, donna l’ordre au marquis de Frégeville, colonel des hussards de Chamborant, à Montjoye, adjudant général, et à Nordmann, colonel des hussards de Berchiny, de se diriger vers Paris avec trois cents de leurs hommes choisis parmi les plus sûrs et les plus braves. Ces officiers, porteurs d’une dépêche pour le ministre, ce qui eût servi de prétexte à leur mission au cas où ils eussent été contraints de la justifier, « devaient pousser