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les articles à recouvrer, vu la confusion qui y règne. » Simon avait épousé, en 1766, Marie-Barbe Hoyau, veuve Munster, qui apportait en dot quelques nippes, peu de bijoux, et une fille mariée depuis lors à un tailleur de la rue des Mauvais-Garçons, maître Vanhemerlye. Après la faillite de sa gargote, l’ex-cordonnier reprit l’alène et la gouge et s’établit au deuxième étage d’une maison de la rue des Cordeliers : il vécut là d’expédients, mettant en gage les hardes de sa femme, empruntant à tout le quartier, s’endettant chez les fournisseurs et si dépourvu de ressources que, quand Barbe Hoyau mourut, à l’Hôtel-Dieu, le 11 mars 1786, il dut pour l’enterrer, ou simplement pour noyer son propre chagrin dans une sérieuse ribote, engager, pour 26 livres, le reliquat de la garde-robe de sa défunte : un jupon, une jupe et une camisole. Deux ans plus tard, perdu de dettes, il convolait avec Marie-Jeanne Aladame, une « femme d’ouvrage, » âgée de quarante-trois ans, dont le principal attrait consistait en une dot de 1 000 livres « tant en deniers comptants qu’en habits, linge et hardes à son usage, » et, — dit-on, — une petite rente que lui avait léguée une bourgeoise dont elle avait longtemps « fait le ménage » dans la maison même qu’habitait Simon. L’apport de celui-ci, d’après l’inventaire dressé postérieurement à la mort de sa première femme, consistait en 3 000 livres de dettes et « une somme de vingt sous en deniers comptants ; » son matériel de travail, d’une valeur de 38 livres, ne lui appartenait plus : il l’avait cédé, en s’en réservant l’usage, à un garçon savetier du voisinage.

Si un tel homme n’avait pas jugé la société mal faite, il faudrait renoncer à trouver des gens pour acclamer les révolutions. Au signal du branle-bas, il est de toute évidence que Simon s’évertua et s’efforça d’être remarqué : il n’en reste pas moins incompréhensible que dans la section de Danton, de Camille Desmoulins, de Brune, de Marat, de Chaumette, de Fabre d’Eglantine, de Legendre, de Momoro, un tel déclassé soit devenu un personnage et, plus encore, que, élu membre de la Commune, il ait été accueilli à l’Hôtel de Ville comme un renfort d’importance. Dès les premières séances, en effet, il est investi de la confiance générale : on lui réserve les missions délicates ; il sera, le 13 août, un des quatre commissaires chargés de présider à la translation du Roi au Temple : c’est lui qui, le lendemain, portera à la prison l’ordre de mettre en