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du second étage, sur laquelle, d’ailleurs, les scellés étaient apposés ; on continua de servir le dîner et le souper dans l’antichambre de la Reine, ainsi qu’on le faisait depuis que toute communication avait été interdite entre le Roi et sa famille. Les repas étaient aussi copieux et aussi soignés qu’auparavant, mais « moins splendidement servis. » La Reine et Madame Elisabeth « accordaient au jeune prince le rang et la prééminence » auxquels son « avènement » lui donnait droit. Soit qu’ils ne s’en aperçussent point, soit que les garçons servants, tous trois dévoués, comme on le sait, aux détenues, s’acquittassent de leur office avec discrétion, Tison et les commissaires laissaient faire ; un d’eux pourtant, Pierre Bernard, s’assit, un jour, sans façon, sur la chaise réservée au petit Roi, siège plus élevé que les autres et garni d’un coussin. Il fallut que Tison se chargeât de déloger le municipal, ce qui ne fut pas sans peine, ce rustre protestant « qu’il n’avait jamais vu de prisonniers faire usage de chaises et que la paille est assez bonne pour eux… »

Ainsi, des deux appartements superposés, primitivement destinés au logement de la famille royale, un seul lui restait dont elle ne sortait plus que pour prendre l’air, de temps à autre, sur l’étroite plate-forme crénelée qui régnait autour du toit de la Tour. Huit personnes vivaient en une promiscuité gênante et continuelle dans les quatre petites pièces du troisième étage : la Reine et ses deux enfants habitaient l’une des chambres, Madame Elisabeth occupait l’autre, les Tison faisaient ménage dans la troisième, et les deux commissaires de garde établissaient leurs lits dans l’antichambre où ils passaient toute la nuit et toute la journée. Quant à Cléry, malgré l’insistance de la Reine, il ne devait plus reparaître ; il resta confiné dans une chambre de la petite Tour, prenant ses repas à la salle du Conseil ; à la fin de février, on lui signifia l’ordre de quitter le Temple, et il dut partir le 1er mars, sans avoir revu ni son jeune maître ni les prisonnières.


Durant les deux premiers mois de la captivité du Roi, la Commune s’était trouvée fort embarrassée pour subvenir à l’entretien de ses otages et à la transformation du Temple en geôle d’État. Dans la joie du triomphe, on n’avait pas lésiné sur les frais ; l’Assemblée législative n’avait-elle point, d’ailleurs, le 12 août, voté une somme de 500 000 livres, payable