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selon les circonstances de l’heure. Il est à penser que les choix futurs auront à tenir compte de ce qu’un orateur appelait spirituellement au banquet de la IVe République le « millésime, » je veux dire que les générations qui ont fait la guerre trouveront place dans les futures combinaisons.

Quel que soit le procédé du « dosage, » ce qui importe, c’est de donner tout de suite au pays le sentiment de la stabilité ministérielle. Une majorité compacte et bien disciplinée, comme le suffrage universel l’a constituée, peut contracter avec le futur gouvernement, sur un programme débattu et accepté de part et d’autre, ce que j’appellerai un pacte de gouvernement. Si des ambitions trop pressées ou des intrigues retardataires nous faisaient assister au spectacle du kaléidoscope ministériel, le pays se fatiguerait vite et il trouverait le moyen de mettre le holà, ne fût-ce qu’en exigeant de nouvelles élections. C’est une question d’honneur pour la future Chambre que l’union sacrée ne soit pas un vain mot.


Reste donc cette question du programme du gouvernement. Qu’il soit de proportions modestes, de réalisations promptes et d’une franchise absolue. Avant tout, la France veut voir clair dans ses propres affaires. Elle a le sentiment, que depuis quatorze mois, on a laissé bien des solutions urgentes subir des retards graves et peut-être irréparables. Le public a personnifié cette procédure administrative en créant le type de M. Lebureau. Mais le bureau n’est pas le seul meuble du cabinet gouvernemental, il y a aussi le casier où les dossiers s’entassent, le fauteuil où l’on se prélasse, le poêle où les affaires se règlent quand elles sont trop compliquées.

N’est-il pas invraisemblable, en effet, que fin décembre les feuilles d’impôts sur le revenu n’aient pas encore été distribuées ? Je veux faire, à ce sujet, une simple observation, qui porte sur l’ensemble de notre situation financière. Le pays a payé l’année dernière 10 milliards d’impôts, sans qu’il ait reçu une seule « sommation sans frais, » c’est-à-dire le bout de papier vert que la plupart des contribuables attendent avant de faire un pas vers le percepteur. Je ne sais ce que pourraient rendre des impôts régulièrement perçus et contrôlés ; mais il est permis de penser que la somme de 10 milliards payée bénévolement par d’honnêtes citoyens qui, même en travaillant,