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très vaguement question de la candidature d’un grand chef militaire. Dans le monde et surtout dans les milieux politiques, les conversations vont leur train. Avant les élections sénatoriales, il est très difficile de se faire une opinion. Mais si je considère en particulier la Chambre, mon avis est que la future élection présidentielle répondra au courant de sagesse et de pondération qui a déterminé le scrutin du 16 novembre. Le pays veut être sage, il ne veut pas d’à-coups ; il préfère chercher l’expérience, la compétence, la tenue et la raison. Peut-être aurait-il une toute petite tendance chauvine, si on le prenait par son faible. Mais il la faudrait d’un chauvinisme tellement atténué qu’il fût pour ainsi dire invisible : un civil en bleu horizon.

Voici pour les « honneurs » de la République. Tout de suite, il faudra mettre à leur place les hommes d’action. Je ne fais que traduire le sentiment public en prononçant le nom de M. Millerand. Il est indispensable en Alsace : mais il est indispensable à Paris. Entre les deux devoirs, le plus lourd l’emportera, sans doute. M. Millerand sort de la démocratie, il a été un bon ministre de la guerre ; c’est un parlementaire impeccable ; sa volonté est forte et sa bonne volonté constante. Il est un peu rude, un peu taciturne, un peu obstiné. Mais ce sont des défauts, si ce sont des défauts, qui s’opposent naturellement aux défauts qui ont sonné le glas de la République des camarades. Dans l’énorme accablement d’affaires dont sera écrasé un président du Conseil et parmi le trouble universel qui agite le monde, je ne crains pas un personnage un peu réservé, et même un peu distant. M. Millerand aura l’autorité et le jugement nécessaires pour s’entourer immédiatement des hommes dont sa longue expérience a apprécié la valeur ; il n’est l’homme d’aucun parti ; il est éminemment le type représentatif de la liste bloc et de l’union sacrée. Tout cela lui donne une grande force. C’est une chance pour notre pays d’avoir immédiatement un chef d’équipe à substituer aux chefs d’équipe, si ceux-ci laissent la place. Un président du Conseil connaissant les affaires d’Alsace, c’est une grande garantie pour l’Alsace. Tout concourt au prochain avènement de M. Millerand.

Je n’insisterai pas davantage sur les questions de personne. La Chambre et le futur président du Conseil se prononceront