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contrepoids peu bruyant, mais efficace, dans le fonctionnement général de la Constitution. Aux élections sénatoriales, cette portion du suffrage qui s’est déjà habituée au maniement des affaires publiques par l’exercice des fonctions municipales, est appelée à se prononcer ; Gambetta appelait le Sénat « le Grand Conseil des communes de France ; » il insistait, ainsi, sur cette idée que le Sénat avait un rôle particulier, à savoir la sage adaptation du passé au présent et de l’innovation à l’organisation. A ce titre, le Sénat est un vigilant gardien non seulement des institutions, mais de l’ordre social. Par l’âge, par l’expérience, par la durée du mandat, les sénateurs représentent un élément de stabilité. Dans les circonstances actuelles, l’action du Sénat se trouvera sans doute d’accord avec l’esprit des élections législatives. La haute assemblée est naturellement opposée aux extrêmes. Sans doute, renforcée par de nouveaux élus, elle se trouvera étroitement à l’unisson avec la Chambre des députés. Par conséquent, le Sénat n’en prendra que plus d’autorité sur le développement du travail législatif futur. Je pronostique que le Sénat jouera un grand rôle durant la législature qui commence. Il a de l’autorité, de la capacité, de l’expérience ; il représente précisément cette partie du monde politique qui dure et qui prolonge son action en présence de la rupture un peu brusque qui vient de s’accomplir d’une Chambre à l’autre. Avant de juger des prochaines conditions de la vie publique, il n’est pas inutile d’attendre les décisions du corps électoral sénatorial.

Et c’est aussitôt après que les questions du personnel se poseront, d’abord celle de la succession à la présidence de la République.

M. Poincaré s’en va ; nous savons, d’ores et déjà, qu’il habitera rue Marbeau ; nous savons aussi qu’il se trouve trop jeune Pour abandonner la vie active, que lui aussi travaillera, qu’il sera probablement candidat au Sénat, qu’il mettra son expérience et son autorité au service de la République, que nous entendrons encore sa voix éloquente et que, selon sa spirituelle déclaration, il deviendra peut-être le président du Conseil de M. Clemenceau président de la République.

Tout se voit. De toutes façons la France ne laissera pas M. Poincaré rentrer dans la vie privée sans lui témoigner la gratitude immense qu’elle lui doit. Au cours de cette guerre,