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marquent le pas en observant. Quand on est jeune, on a tout l’avenir devant soi, et dans la jeunesse elle-même, rien n’est plus savoureux qu’une goutte de maturité.

Le premier art des chefs de la majorité sera, comme disait Gambetta, de « sérier les questions. » A l’heure qu’il est, le programme du travail parlementaire me fait l’effet d’une bouteille que l’on renverse subitement. Le goulot est trop étroit pour que tout passe en même temps. Il faut donc faire place, d’abord, aux questions les plus urgentes.


Or, en tête de toutes, viendra celle dont on ne parle pas dans le programme : la question du personnel nouveau. Qui gouvernera la France ? C’est par là qu’il faudra commencer, et telle est l’exigence normale des situations. Un système gouvernemental cherche, d’abord, ses hommes. Le politicien est, par définition, l’homme qui croit que les choses ne peuvent être bien faites que par lui-même. S’il n’était pas ambitieux, il ne se jetterait pas dans la politique. Le choix du suffrage universel s’étant porté sur lui, il se trouve singulièrement confirmé dans cette bonne opinion qu’il a naturellement de lui-même. « Il s’admire s’il se compare. » Les équipes ministérielles sont d’ores et déjà en ligne pour fournir la course.

Cette ambition, dans le sens du mot latin ambitus, ne résulterait pas du cours normal des choses qu’elle serait incitée par les circonstances actuelles. M. Poincaré est au terme de son mandat. M. Clemenceau a déclaré qu’il renoncerait à ses fonctions actuelles aussitôt que le nouveau président de la République serait élu. Ainsi se trouve ouverte la course aux portefeuilles, cursus honorum.

Un autre fait qui aura aussi son influence sur la question du personnel se produira avant le mois de février, qui sera le mois des grands remplacements : il s’agit des élections sénatoriales.

Le Sénat, quoique son attitude actuelle soit un peu effacée, n’en est pas moins un organe essentiel du régime. Il est d’usage de confier un certain nombre de portefeuilles aux membres du Sénat dans les cabinets qui se constituent ; les sénateurs participent au scrutin pour l’élection du président de la République ; enfin, le Sénat vote les lois et il exerce d’ordinaire avec beaucoup de calme et de sang-froid l’office d’une sorte de