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tant de fois décrit. Le lendemain, la statue de Lille sur la place de la Concorde était pavoisée et couverte de fleurs, tandis que celle de Strasbourg toute voisine, semblait, sous ses crêpes noirs, frémir d’impatiente espérance.

A cette heure, le repli allemand continuait livrant un terrain plus large encore. Abandonnant, le 18, Tourcoing, Roubaix, et, jusqu’à Wavrechain-sous-Faulx (au Nord de Cambrai), une bande qui, sur plus de 60 kilomètres de large, atteignait, en certains endroits, 10 kilomètres de profondeur l’ennemi reculait au delà de la ligne Marcke-lisières ouest de Mouscron-Herseaux-Est de Roubaix-Arcq-Pont-à-Marcq-Bersée-Escaillon-Wavrechain-sous-Faulx.

Les armées des Flandres continuaient leur pression et si la droite et le centre, après une légère avance, étaient, ce 18 octobre, pour quelques heures, arrêtés, en revanche la gauche, poussant devant elle l’ennemi en retraite, progressait très sensiblement en direction de Bruges : franchissant à l’Ouest de Nieuweghem, le canal de Paschendaele, elle occupait le front Saint-André-Saint-Michel-Laphem et Oostcamp. A Saint-Michel, on était dans les faubourgs de Bruges où les soldats belges sentaient, le cœur serré d’émotion, frémir une population ivre de joie. Des flammes allaient-elles jaillir de l’adorable cité ? L’avance si rapide de ce côté ne donnait pas à l’ennemi le loisir de commettre ce nouveau sacrilège. Le 19 au matin, on allait, du front, entendre les carillons de Bruges saluer le départ en panique des dernières troupes allemandes.

Ce jour-là, tout le monde repartit : la résistance qu’avaient rencontrée le centre et la droite, n’avait pas tenu devant une attaque entêtée. Au jour, l’aviation signala que Bruges était pavoisée, que les habitants appelaient à grands gestes les libérateurs. A ce moment même, toute la côte se libérait sur une profondeur de plus de 25 kilomètres, d’Ostende aux abords de la frontière hollandaise. Les Belges, ayant occupé Zeebrugge, s’y emparaient d’un magnifique butin. Par ailleurs, ils entraient dans Bruges qui, ce soir-là, ne fut pas Bruges-la-Morte, mais Bruges-la-Ressuscitée et chantait sa délivrance, alternant les Brabançonne et les Te Deum, acclamant avec frénésie le roi Albert et ses troupes. Par ailleurs, le canal de Gand était atteint. A droite, la 6e armée française, talonnant vivement