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REVUE SCIENTIFIQUE.

corpuscules sont donc les constituants communs de tous les éléments chimiques. On les a appelés les « électrons, » suivant l’heureuse expression employée pour la première fois par le physicien anglais Johnstone Stoney.

En résumé, les données les plus précises de l’analyse spectrale de la lumière ont conduit à cette conclusion que les atomes des différentes substances chimiques, loin d’être des objets insécables et invariables, ayant une individualité propre, sont en réalité constituées notamment par l’arrangement d’un certain nombre d’électrons identiques, dont le nombre et l’arrangement seuls varient d’une substance à l’autre, cet arrangement pouvant d’ailleurs être modifié par des actions extérieures comme celle des aimants.

Ainsi l’analyse spectrale, cette dissection subtile de la lumière, cette science qui fait parler les ondes muettes et minuscules du rayonnement, après nous avoir dévoilé les secrets des lointaines étoiles, nous fait pénétrer dans les arcanes des atomes : après l’infiniment grand, elle nous dévoile l’infiniment petit, et chose prodigieuse, elle nous montre dès maintenant celui-ci semblable à celui-là, avec des astres qui dans l’atome, comme dans un système stellaire, gravitent dans des orbites fermées et stables.

Mais tous ces beaux résultats n’auraient pas suffi peut-être à battre en brèche l’atomisme classique ; ils n’auraient pas suffi en tout cas à emporter la conviction des douteurs ; car en matière de vérité scientifique, on n’a pas assez prouvé quand on a prouvé dix fois ; c’est cent fois, c’est mille fois qu’il faut démontrer, puisque nous sommes dans le domaine du démontrable.

Nous allons voir que d’autres voies, parties d’ailleurs, de très loin, de régions très différentes de la physique et de la chimie, sont venues converger au même point où nous a conduits le chemin que nous venons de parcourir. Ce carrefour, ce lieu géométrique des expériences et des recherches les plus dissemblables c’est la théorie électronique de la matière, qui, nous le verrons, semble aujourd’hui assise sur des bases inébranlables et dont les conséquences, pour la connaissance de la nature tout entière sont prodigieuses, presque incroyables et plongent jusqu’au bord de l’abîme sans nom où la physique et la métaphysique mêlent leurs torrents obscurs.

Voici une autre série d’expériences qui a conduit à la notion de l’électron, de ce que Helmholtz appelait, dès 1880, l’atome d’électricité. Faisons passer le courant d’une pile électrique dans une cuvette contenant de l’eau avec, en solution, un sel ou un acide, et